15 avril 1455 - suite
Le comte de Champagne l'avait écoutée parler, mais avait refusé de prêter foi à ce qu'elle disait. Les loups-garous ? Allons donc, ce n'était qu'une légende, rien de plus... La blessée avait sans doute été mordue par un chien atteint de la rage, voilà tout. Mais il allait organiser une grande battue pour chasser et tuer les loups des environs si ça pouvait la rassurer. Après tout, on lui avait signalé qu'ils étaient de plus en plus nombreux dans les forêts qui jouxtaient la cité.
Et à présent, du haut de la tour César, Eryndel ruminait les évènements de la nuit, désolée par le scepticisme de son seigneur et furieuse d'avoir été assez naïve pour imaginer qu'il la croirait.
Un bruit de pas... Elle se retourna.
"QU'y a t-il, sentinelle ? Et pourquoi tant de nervosité ? Vous vous tordez les mains comme si vous veniez de perdre un être cher.
- Vous devez partir, dame guérisseuse. La blessée est morte, et sa famille a monté le reste du peuple contre vous en prétendant que vous l'avez empoisonnée.
Eryndel poussa un soupir.
- Je me doutais de cette réaction...
- Quoi ? vous avez vraiment...
- Oui, mais... Elle a été mordue par... par un chien, et son agonie risquait d'être longue, alors j'ai voulu abréger ses souffrances. C'est pour cela que je l'ai tuée avec un onguent empoisonné.
Tout plutôt que se faire à nouveau passer pour une folle qui croit aux histoires des serfs surperstitieux. Abréger ses souffrance, ah oui, vraiment... La tuer pour l'empêcher de devenir une bête monstrueuse, oui...
- Ah... Cela me fait penser... J'ai entendu des rumeurs, damoiselle. Des phénomènes bizarres, des gens qui rôdent la nuit... Touchés par une sorte d'épidémie... Pas plus tard qu'la semaine dernière, mon cousin, qui habite dans le duché de Bourgogne,est tombé nez à nez avec un pauv'gars complètement ... transformé. C'était plus un homme, non. C'était un corps, vide, privé d'âme... Il a eu la peur de sa vie, moi je vous l'dis ! Vous croyez que c'est la peste ?"
Des cris de colère... Une foule grondante...
Le garde interrompit son bavardage.
"Vous devriez partir, vous savez... Ils vont vous lapider, sinon..."