[Le Havre] Maison d'un vieil homme.

23 mars 1455, 04H35 du matin.

Quelques minutes plus tard, Shallya et le milicien arrivèrent devant un petit bâtiment ressemblant d'avantage à une grande cabane en bois qu'à une maison. Shallya s'inquiéta un peu :

« Vous êtes sûr que je peux entrer chez cet homme ? Il ne va rien dire ?
-Mais non rassuré vous, c'est un ancien marchand de la place du marché, il a le don de redonner le sourire à n'importe qui avec sa bonne humeur. Vous verrez demain matin vous ressortirez de là pleine d'entrain. »

Le milicien frappa à la porte et un petit bonhomme joufflu jaillit de la maison en prononçant un déluge de bienvenue à ses deux visiteurs :

« OOOOH Louis ! Comment vas tu depuis le temps ? Raconte moi les dernières nouvelles... Et qui est cette ravissante fille ? Vous allez bien ?... Et toi alors comment ça va à la caserne ?... Tu es sûr ?... Et vous d'où venez vous ? Et comment vont les gens là-bas ?... » Et ainsi de suite le petit homme était un véritable moulin à parole qui ne laissait le temps que de répondre des « bien », « oui » ou « non » avec un léger sourire de circonstance avant d'enchaîner de nouveau un torrent de questions.

Le commerçant les invita à entrer pour boire un verre et manger un morceau de saucisson... A l'ail que Shallya se vit obligée de refuser à cause de son malaise de tout à l'heure. Le vieux monsieur continuait inlassablement à poser des questions, Shallya porta la chope d'étain remplie de vin aux lèvres et eut des difficultés à avaler le liquide et à retenir une grimace de dégoût, ce vin était imbuvable... Au bout d'une dizaine de minutes elle prétexta un besoin d'aller prendre l'air pour partir vider son verre dehors car elle ne voulait pas vexer l'homme en ne mangeant ni buvant quoi que ce soit. D'ailleurs cela était étrange, ça allait bientôt faire trois jours qu'elle n'avait strictement rien mangé... C'est à ce moment que le petit homme jaillit de sa maison tel un diable sortant de sa boîte en s'exclamant :

« OH ! Mais c'est formidable vous allez passer la nuit ici mademoiselle, venez, venez, venez je vais vous montrer votre lit, vous allez voir c'est la chambre de ma fille qui est partie... » Et le petit homme continua à raconter sa vie allant d'un sujet à un autre sans jamais s'arrêter.

Le milicien profita d'être seul pour partir discrètement de la maison sinon il savait pertinemment qu'il ne sortirai pas de là avant d'avoir vidé une dizaine de bouteilles et mangé plus de saucissons à l'ail que son haleine ne pouvait le supporter. Shallya parvint finalement à rester seule dans sa chambre en inventant la fausse excuse du :

« Vous ne trouvez que ça sent le brûlé ? »

Le petit commerçant était fort sympathique mais très exaspérant à la longue. La jeune femme se promit de partir tard demain soir en espérant que l'homme serait déjà couché quand elle se lèverait. Pendant son sommeil les visions reprirent, elle rêva de l'homme qui l'hébergeait. Il s'était endormi sur son siège à bascule, Shallya s'approcha sans faire de bruit et une fois l'homme à porté de main elle le saisit par la gorge, le souleva d'une main au dessus de son siège pour le plaquer violemment au sol et le mordre au cou. Mais le « repas » fut de courte durée, le sang du vieil homme empestait l'ail, Shallya recracha le sang et se réveilla en sursaut dans son lit.

Il faisait déjà nuit, les journées semblaient passées à une vitesse folle, elle se rappela rapidement son rêve, sortie de son lit à toute vitesse, enfila ses affaires et arma son arbalète. Elle descendit les marches discrètement, la maison était plongée dans l'obscurité, elle alla dans la pièce principale du rez-de-chaussée et son pied butta contre quelque chose qui entravait le chemin, Shallya supplia à voix basse :

« S'il vous plaît pas ça... »

Le vieil homme était allongé sur le sol... Mort... Deux plaies sur la jugulaire et du sang avait été recraché sur sol. Shallya sentait une fois de plus la panique l'envahir, mais elle n'eut pas le temps de s'effondrer car quelqu'un alluma la lampe à huile de l'entrée. C'était le milicien qui venait prendre des nouvelles, l'homme était horrifié :

« Qu'avez vous fait ?
-Moi ? Mais rien je viens de le découvrir ! » Le milicien sortit son épée et son visage devint rouge rage.
« Sale meurtrière ! T'as du sang sur le visage saloperie de vampire !
-Je... Non c'est... c'est impossible... »

Shallya s'essuya la bouche et sa main était couverte de sang, elle se redressa lentement fixant ses mains couvertes de sang et les souvenirs lui revinrent en tête :

Elle se levait à chaque fois la nuit, elle ne mangeait plus depuis plusieurs jours parce que son « nouvel appétit » était assouvi par le sang de chacune de ses victimes, le mendiant et le milicien. Le soir où elle avait tué le prêtre elle avait recraché le sang trop pur du saint homme, plusieurs mètres plus loin d'où son envie de manger.
Elle s'était sentie très mal dans l'église sans comprendre pourquoi sur le moment, sa nature vampirique lui interdisait désormais ces lieux saints sous peine d'être affaiblie par les symboles chrétiens.
Le chat qui avait eu un étrange comportement au fur et à mesure qu'elle s'approchait de lui était dû à sa nouvelle identité de créature de l'ombre.
Les rêves horriblement réalistes qu'elle faisait n'était rien d'autre que la réalité qu'elle vivait inconsciemment et elle n'avait aucune hallucination. C'est pour cette raison qu'elle reconnut le milicien qu'elle avait tué au Havre.
L'ail suspendue un peu partout dans la ville lui avait donné la nausée et ses nouveaux besoins en sang ne pouvait dorénavant plus être satisfait par la nourriture habituelle qu'elle pouvait consommer auparavant, c'est pour cette raison qu'elle n'avait pas pu avaler ne serait-ce qu'une gorgée de vin.
Cela ne faisait plus aucun doute, le meurtrier qui sévissait à Rouen puis au Havre n'était personne d'autre qu'elle, quelle ironie elle se pourchassait elle même...
Cette femme belle et sûr d'elle et l'assassin qui soit disant la poursuivait, c'était bien elle, paradoxalement cette idée la soulagea.
Elle porta ses doigts à son cou et sentit deux plaies cicatrisées sur sa jugulaire, un vampire l'avait mordu, mais qui était-il ?

A peine avait elle réalisé ce qu'elle était devenue que le milicien la chargea, il lui sembla se déplacer à une lenteur ridicule sans difficulté elle esquiva sa charge, profitant de son élan pour le saisir par le col et le projeter sur le mur du fond. L'homme vola à travers la pièce puis traversa la fenêtre attérissant sept ou huit mètres plus loin, il se retourna et avant même d'avoir pu se relever Shallya était à côté de lui son épée levée au dessus de sa tête, elle abattit sa lame sur le pauvre homme, lui transperçant le ventre. Il rendit son dernier souffle dans un râle de douleur...

Shallya se laissa tomber sur le sol, elle se recroquevilla sur elle même et se mit à pleurer. Elle était devenue une vampire sans s'en rendre compte... Qui l'avait mordu ? Et maintenant qu'allait-elle faire ? Sa vie n'avait plus aucun sens, son coeur ne battait plus dans sa poitrine et sa respiration était plus de l'ordre du réflexe habituelle que de la réelle nécessité. Et ce sois disant meurtrier qu'elle devait amener devant le capitaine...

« Cesses de te laisser aller, maintenant tu es une vampire, on t'offre une chance d'être immortelle alors tâche de la saisir » se dit la femme dans son chagrin.

Elle se releva retira l'épée restait plantée dans le corps de l'homme et l'abattit de nouveau sur le cadavre du malheureux pour le décapiter. Et c'est avec sa tête dans un sac qu'elle retourna à Rouen, en ayant, au préalablement, planté un pieux improvisé dans le coeur de l'homme...

Sortie [Havre] Maison d'un vieil homme. Direction [Rouen] Caserne de la milice.

» [Le Havre] impasse des bas quartiers.
» [Le Havre] sur une route dans la forêt.
» [Rouen] Maison de Shallya.
» [Vannes]Une maison en bordure de la ville