[Paris] Planque de Zilmar

8 avril 1455. Peu avant deux heures du matin.

Zilmar attrapa la scie, et commença à scier consciencieusement.

Il est très simple de se débarrasser d’un cadavre à Paris, là n’était pas le problème : il suffisait de le jeter dans une ruelle, et on n’en parlait plus, même si généralement, Zilmar essayait de ne pas laisser la moindre trace, surtout quand la victime était un notable connu et respecté.

Dans le cas présent, cependant, l’homme n’était ni notable ni rien, c’était juste une victime qui avait servi à assouvir la soif de sang de Zilmar. Et maintenant, il redoutait ce qui pouvait arriver. Ne connaissant rien au vampirisme, il avait peur que ses victimes ne se relèvent sous forme de vampire, et qu’elles ne cherchent à le tuer.

Les cloches sonnèrent. Zilmar, trop occupé, ne réussi pas à compter le nombre de coups, mais estima qu’il devait être deux ou trois heures : plus que quatre heures avant le lever du Soleil. C’était peu. Et Béranger qui n’était toujours pas là !

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, alors que Zilmar attaquait l’épaule droite, la porte de la cave s’ouvrit. Béranger entra.
« Dépêche toi de venir m’aider. » lui dit Zilmar.
Béranger chercha une autre scie dans le désordre de la cave, puis s’approcha du corps.
« Qui est-ce ? » demanda-t-il.
« Aucune idée. »
Béranger eut un regard soupçonneux pour Zilmar.
« Pourquoi tu l’as tué alors ? »
« Une bagarre qui a mal tournée. »
Béranger n’en demanda pas plus, et les deux hommes finirent de découper le corps.
« Une chose me chiffonne. »
« Quoi donc ? »
« Je trouve qu’il ne saigne pas beaucoup. »
Zilmar eut une goutte de sueur qui perla sur sa tempe. Béranger était son bras droit parce qu’il était plus malin que les autres truands. Mais parfois trop malin. Il finirait par avoir des doutes, et comprendrait que Zilmar était un vampire.
« Je l’ai égorgé avant de le découper, justement pour éviter de mettre du sang de partout. » annonça précipitamment Zilmar.
« Je vois. »

Zilmar déposa les morceaux les plus petits – à savoir bras, avant-bras, cuisses et jambes, soit huit morceaux – dans un grand pan d’étoffe qu’il roula et serra avec une corde. Il enroula ensuite la tête et le torse dans d’autres pans d’étoffe.

Béranger regarda les trois paquets.
« Bon, ben y’a plus qu’à aller les enterrer. »
« Non. »
Béranger paru surpris.
« Quoi non ? »
« On doit les brûler. »
Béranger habitué aux excentricités de son maître, ne chercha pas à comprendre. Il attrapa le paquet contenant les membres et ouvrit la porte. Zilmar le suivit avec le reste. Ils montèrent un escalier pour se retrouver au rez-de-chaussée de la maison, puis sortirent dans la nuit noire.

Sortie en direction d'une clairière du Bois de Vincennes.

8 avril 1455. Vers neuf heures du soir.
En provenance d'une clairière du Bois de Vincennes, après une journée de repos dans la planque, à l'abri du Soleil.

Ils étaient tous là. Ses fidèles. Ses assassins, ses voleurs, ses truands de la pire espèce.

La nuit venait de tomber et Zilmar distribuait ses instructions, comme chaque fois.

Il envoyait ses hommes pour détrousser toute personne qui traînerait au mauvais endroit au mauvais moment, pour assassiner des notables sur commande, et pour gérer ses tripots, ses bars, ses bordels, en enlevant des filles jeunes et fraîches, en rançonnant les barmen, en surveillant la distillation de l’alcool, en tabassant ceux qui gagnaient trop aux jeux d’argent… Bref, lui et ses acolytes régnaient en maîtres sur tout ce petit monde malsain et nocturne qu’étaient les bas-fonds de Paris.

Ils partirent dès les ordres reçus. Zilmar resta avec Béranger.
« Il font du bon boulot. » déclara Zilmar.
« C’est vrai. »
« Tu te rend compte Béranger ? Avec une trentaine de malfrats, je tiens Paris dans ma main. »
Une lueur brillait dans son regard. Sa mégalomanie n’étonnait plus Béranger.
« Sur le quartier pauvre uniquement… Et puis si l’envie prenait les autorités de nous envoyer l’armée, on y passerait tous jusqu’au dernier. »
Zilmar tiqua.
« Ts ! Ne parle pas comme ça, ils ont d’autres chats à fouetter, tu peux me croire. De simples brigands ne les intéressent pas. Ici, nous sommes tout-puissants ! »
On frappa à la porte.
« Entrez ! » cria Zilmar, désormais de mauvaise humeur.
Deux hommes entrèrent. L’un était bien habillé, l’autre en guenilles et mal rasé.
« Qui nous amènes-tu Roland ? » demanda Zilmar en s’adressant à l’homme aux vêtements rapiécés.
« Monsieur est juge. » dit-il en désignant l’homme.
Zilmar le jaugea du regard.
« Que voulez-vous ? »
« Je m’appelle Enguerrand de la Roche. »
Une lueur malicieuse s’alluma dans les yeux de Zilmar.
« Je suis le frère du baron de la Roche vous savez. »
Ca me fait une belle jambe, pensa Zilmar, attendant la suite.
« Je souhaite que vous me débarrassiez de Guillaume d’Aurillac, il… »
Zilmar lui coupa la parole.
« Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Vos raisons ne me regardent pas et je sais déjà où il loge. Payez d’avance, il sera tué avant le lever du Soleil. »
« Merci. » lança le magistrat en lançant une bourse à Zilmar. Il commença à partir.
« Une dernière chose monseigneur. »
Le magistrat se retourna, surpris.
« Connaissez-vous Thierry de Nogent ? »
« Heu… Non. »
« Il ne vous aime pas. »
« Ha… »
« Il est venu me voir il y a trois jours. Il m’a donné une bourse pleine d’or, en me disant « Je veux qu’il disparaisse sans laisser de trace avant la semaine prochaine. ». »
Zilmar sorti un couteau et le planta jusqu’à la garde dans le ventre rebondit du juge. Il s’écroula à terre, dans une marre de sang.
Zilmar essuya son couteau et se tourna vers Roland.
« Va chez Guillaume d’Aurillac, et tue-le. »
Roland sorti de la pièce.
« Un contrat et un contrat, dit-il à Béranger. Maintenant occupe toi de lui, je sors. J’ai une affaire urgente à régler. »

Sortie vers les Bas-fonds de Paris.

En provenance des Bas-fonds de Paris.

Zilmar en avait marre. Sa peur de la mort était de plus en plus grande, et sa paranoïa lui faisait imaginer le pire.
En entrant dans la planque, il se coucha.


Une demi-heure plus tard, Béranger, son fidèle bras-droit, et Roland, un de ses meilleurs assassins, entrèrent et le réveillèrent brusquement.
"Zilmar, hurla Béranger, vient vite !"
Zilmar se leva.
"Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?"
"Un carnage ! Quinze des notres sont morts !"

Les yeux de Zilmar s'écarquillèrent.

"Quoi ?!"
"A la sortie d'une taverne, il y a eu une rixe. Quinze de nos gars sont morts !"
"Incroyable... Une bande adversaire c'est ça ? Ou quelqu'un a qui tente de se venger de nous ? Ou les soldats ? Qui ?!"
"Hum..."

Béranger parut géné.

"Il n'y avait qu'un seule personne."

Zilmar fut encrore plus ébahi.

"Et... Hum... C'était une femme..."
"Impossible ! Une femme ?! Elle aurait battu quinze de nos hommes ?!"
"Oui."

Béranger ne semblait pas mentir... Quelle merde ! Qui était-elle ?! Que voulait-elle ?
Il réfléchit un moment.

"Pourquoi les a-t-elle attaqué ? Pourquoi sont-ils morts ? Ils avaient trop bu ?"
"Non, ils n'avaient pas trop bu, et c'est eux qui l'ont attaqué..."

Merdasse.

"Hum... Que faire ? Se venger ? Laisser passer serait impensable."

Roland pris la parole.

"J'ai entendu dire qu'elle voulait vous voir, et que les gars l'ont trouvé louche."
"Ah..."

Zilmar compris. Il ne fallait pas qu'ils sachent, mais c'était sans aucun doute une prêtresse. Elle l'avait retrouvé, et voulait sa peau...

"Je vois. Dites aux autres de ne rien lui faire. Si ils la voient, qu'ils me l'amènent. Mais pas ici. Je serais au Temple."

Le Temple, quelle douce appelation, pour une telle antre de luxure et de débauche. Les prostituées y étaient nombreuses, l'alcool y coulait à flot , et Zilmar en était le propriétaire.

Zilmar se leva.

"Roland, avec moi. Béranger, va prévenir les autres et rejoins nous ensuite."

Il commença à partir, quand le doute le saisit. Il se retourna.

"Qui est mort ?"

"Quelques hommes de mains sans importance comme il y en a beaucoup dans la bande."

Béranger ne disait pas tout.

"Et ?" demanda Zilmar, soupçonneux.
"Le pouilleux..." avoua Béranger.

Re-merde ! Ca, elle le lui parait ! Le pouilleux était un des pires truands de Paris, et un de ses plus dévoué serviteur.

Zilmar sortit de la plaque. Direction le temple. Avec un peu de chance, le lendemain soir, il rencontrerait cette satanée prêtresse.

Sortie en direction du Temple.

En provenance des Egouts.

Zilmar s'installa dans un fauteuil qui trainait dans le bric-à-brac de la planque.

Un homme entra soudain précipitamment. Zilmar jeta un regard interrogateur sur lui.

- Oui ?

L'homme reprit haleine.

- C'est Bérenger qui m'envoit. Parait qu'c'est un malentendu avec les prêtres. Ils vous veulent pas de mal en fait.

Si Bérenger le disait... C'est que c'était vrai. Mais pourtant, tout était en désaccord avec cela. Alors que croire... Hum.

- Ils sont passés par le passage vers les égouts au fait.

Ah... Ils arriveraient peut-être à retrouver sa trace... Non, peu de chance. Les égouts, les ruelles... Ils se perdraient forcément quelque part en route.

Zilmar en profita pour réfléchir. Que penser de tout ceci ? Hum... Il était possible que ce que le messager ait dit soit vrai. La prêtresse avait parlé d'un vampire ayant massacré sa famille. De toute évidence, il ne s'agissait pas de lui. Pourtant, les deux prêtres savaient pertinemment que Zilmar était un vampire... Mais oui ! Sans doute voulaient-ils son aide. Un vampire pour en chasser un autre ! Voilà leur idée !

...

Mais non, un prêtre ne peut décemment pas conclure une alliance avec un vampire, même pour en chasser un autre. Ce serait pactiser avec le malin !

Zilmar ne savait pas. Il attendrait Bérenger, pour faire la lumière là-dessus.

Zilmar se souvint alors d'un détail.

- Mais... Roland n'est pas là ?

Roland arriva quelques dizaines de minutes après Zilmar.

"Roland, te voilà enfin Où étais-tu ?
- A la chapelle du père Thomas. J'ai appris de nouvelles choses... De très mauvaises choses.
"Quoi donc ?"

Roland lui raconta tout ce qu'il avait entendu et compris à la chapelle, auprès des deux prêtres, et de cet inquisiteur.

"Bien, dit Zilmar. Au moins je sais à quoi m'en tenir maintenant."

Il réfléchit un moment.

"Déguise-toi et retrouve-les. Tu donnera discétement un mot à la prêtresse."

Il se alla vers la table, attrapa de quoi écrire et griffona un court message sur un bout de papier. Il le tendit ensuite à Roland qui s'éclipsa rapidement après avoir emporté de quoi se déguiser et se grimer.

Roland revint vite.

"J'ai donné le mot au père Thomas, vous pouvez être sûr qu'il a bien été transmis et que personne ne l'a intercepté."
- Très bien.
- Oui, j'ai exigé qu'il soit brûlé juste après lecture.
- Quoi ?! Mais il n'y a rien de mieux pour éveiller les soupçons ! Abruti !"

Roland eut l'air confus.

"Tant pis, je ferais avec, même si cet inquisiteur doit avoir sentit l'arnaque désormais..." Bon, va au Temple et ramène là ici. Qu'on ne te suive pas."

Roland sortit, jurant de ne pas refaire la moindre erreur.

Roland revint jusqu'à la planque avec Eryndel et sans encombres.

"Personne ne t'as suivi ? demanda Zilmar.
- Non, impossible.
- Tant mieux."

Il salua la prêtresse en s'inclinant courtoisement.

"Bien le bonjour très chère. Maintenant que vous êtes là, nous allons pouvoir parler affaire."

Son visage n'était plus pâle, et ses grandes cernes avaient disparu. Il était d'une bonne couleur, éclatante de santé, dont la source réelle était en fait du maquillage. Ainsi, il pourrait continuer de mentir, en soutenant ne pas être un vampire.

Zilmar hésita entre s'enfoncer dans son propre mensonge et tomber le masque.

Finalement il opta pour la deuxième option, sachant pertinemment que la première serait tout sauf bonne pour lui.


"Comme vous voudrez."

Il s'inclina.

"Je suis Zilmar Hem Rarko, anciennement un jeune noble libertain, dont la vie de jouissance fut brisée par une malédiction. J'ai été mordu pour un buveur de sang, comme vous les appelez, et ma vie a plongé. J'ai fuit tout ce que je connaissais pour venir me refugier ici, au hasard de mes pas. C'était il y a bien des années. Depuis, je suis devenu la pire crapule des Bas-Fonds, homme influent et puissant à la tête d'une immense organisation criminelle. Voilà toute l'histoire. Maintenant, faisons affaire voulez-vous ?"

Il jeta un regard menaçant à Roland, lui signifiant de se taire sur cette révélation.

La justice ? Alors comme ça les prêtres aussi était capable de se mentir à eux-même de manière éhontée ?
Une simple vengeance, voilà ce que c'était ! Quoi qu'elle en dise.
La justice, ce serait de tuer Zilmar en même temps que l'autre. Cet inquisiteur, comment s'appelait-il déjà ? Armand. Oui, lui repésentait la justice. Sévère mais juste, tentant de faire régner l'ordre et l'égalité dans le monde. Elle, elle considérait même qu'il y avait du bon en Zilmar... Mais bref.

L'histoire d'Eryndel ne l'avait même pas ému. Après tout, la sienne était du même niveau quand il y réfléchissait.

Quoi qu'il en soit, il doutait de la véracité de ses promesses. Non pas qu'elle soit capable de mentir, Zilmar commençait à bien la cerner et il était convaincu qu'elle ne le pouvait pas, même en face d'un criminel comme lui. Mais lui promettre l'impunité, voilà qui était un peu fort. Il savait que c'était impossible, tout bonnement. Là encore, elle se fourvoyait. Mais bon, l'or, voilà une valeur sûr. Il était preneur.


Il détailla l'image.

"Bien, je vais voir ce qu'on peut faire, je vous recontacte dès que j'aurais des informations à son sujet."

Il savait déjà où chercher, ce serait rapide. On serait vite fixé.

"Je ne vous retiendrez pas plus longtemps. Frère Armand est un homme très soupçonneux, il ne faudrait pas qu'il est le moinde doute. Roland vous racompagnera. A très bientôt."

Un flash s'empara de Zilmar. Il se souvint avoir voulu la violer il y a peu. Aujourd'hui, plus rien. Il la respectait.

Il avait même de l'admiration pour cette femme, et il aimait bien son côté naïf et son désir d'aider tout le monde. On aurait dit la vision du monde d'une jeune fille.


Tiens ? Il avait oublié de parler de ses tarifs. Il aurait pourtant pu lui réclamer beaucoup, elle aurait accepté avec empressement. Bah ! Plus tard, plus tard. On aurait tout le temps pour ça.

Un sourire s'afficha sur le visage de Zilmar. Quel genre de moyen ? Ah ! On verrait bien après tout.

"Bon, au boulot."

Il regarda une dernière fois l'image de l'homme.

Bérenger arriva peu après le départ de la prêtresse.

Zilmar lui mit le portrait sous le nez.
"Mais... Qu'est-ce..."
"Ca te dit quelque chose ?"
"Non mais... Qui est-ce ?"
"Le vampire que cherchent ces prêtres. Il faut le trouver. Apparament c'est un noble de la cour."

Bérenger tiqua à cette annonce.

"C'est pas rien ! D'habitude on s'attaque à des bourgeois ou à des p'tits nobliaux, mais là, un homme de la cour, c'est va pas être facile de l'approcher, ça doit être quelqu'un d'important."
"Oui, c'est ce que je crois."
"Ce sera risqué. Vous comptez envoyer qui pour l'assassiner ?"
"Personne. Pour le moment il faut juste trouver son nom, et son lieu de résidence."
"Oh, ben dans c'cas, c'est plus simple."
"Oui, allons rendre une petite visite de courtoisie à notre ami Guillaume, il nous doit un service, il nous aidera."

Zilmar sortit de la planque. Bérenger était un peu perdu dans cette affaire, qui décidément sortait de l'ordinaire. Il suivit son maître.

Sortit en direction de l'hôtel particulier de Guillaume de Montespan.

Le 3 juin.
Zimar avait passé la matinée à délirer. Ses idées n'étaient toujours pas tout à fait claires, mais cette étrange impression d'être dans un rêve était partie.

Bien, il fallait qu'il trouve Bérenger, pour que celui-ci lui faire un rapport sur les évènements de la journée.

Après avoir parcouru les pièces de la planque à la recherche de quelqu'un, Zilmar constata qu'il était totalement seul. A cette heure, il y avait pourtant toujours quelqu'un... Où étaient-ils ? Hum... Peut-être au temple ? Pas sûr, mais si ils n'étaient pas là-bas, il lui serait impossible de les retrouver dans les inombrables rues de la capitale. Alors autant essayer. Et puis de toute façon, Boris était là-bas, il verait bien avec lui.

"En route" se dit-il. Puis il remarqua qu'il n'avait aucune arme sur lui.

Il attrapa alors une faucille située sur une table couverte de toute sorte d'objets. Bien maniée, c'était une arme plus redoutable qu'un poignard. Moins pratique cependant.

Zilmar l'enfourna dans une poche intérieur de son long manteau et sortit de la planque.

Sortie en direction du Temple.

Le 4 juin.
Bérenger revint des Trois Chevaux peu après l'aube.

Zilmar était attablé, en train d'écrire quelque chose à la lumière d'une bougie. Il semblait préoccupé, son visage était fermé, et sa main était crispée autour de sa plume.

Il releva la tête quand Bérenger entra dans la pièce. Celui-ci lui tendit sans un mot les morceaux de parchemin déchiré qu'il avait ramassé aux Trois Chevaux, et Zilmar les prit d'un air interogateur. Il les posa sur la table et commença à les positionner les uns par rapport aux autres pour reconstituer le message. Quand il eut réussi, il se mit à décripter l'écriture tremblotante de l'inquisiteur Armand en murmurant chaque mot au fur et à mesure de sa lecture.

« Très intéressant, marmona-t-il. »

Il fit une pause, comme perdu dans ses pensées. Bérenger, ne sachant quoi faire, attendit patiemment.

« Et on fait quoi maint'nant ? demanda-t-il au bout d'un moment. »

Zilmar sursauta presque.

« Quoi ? Ha, heu... D'autres nouvelles ? »

Bérenger se souvint alors d'Eryndel.

« Ha oui, la prêtresse, Eryndel, elle s'est enfuit de la chapelle, et j'sais pas où elle est allé. C'est inquiétant, surtout qu'elle est tombé sur Larmesang à la bibliothèque aujourd'hui, elle lui a même parlé, mais ils se sont pas reconnus. »

Zilmar réfléchit un moment.

« Si elle a la mauvaise idée d'y retourner, il risque de finir par avoir des soupçons. Allons chercher Roland, il faut qu'il aille voir. »

5 juin 1455, la planque de Zilmar.

Tout ça devenait pénible, il n'y avait rien ni personne capable de leur dire quoi que ce soit. Armand ressentait l'agacement d'Eryndel et du coup il avait lui aussi du mal à garder son calme. Ils fouillaient tous les deux du regard la pièce n'osant pas trop remuer les objets devant l'homme de main de Zilmar.

Jusqu'à ce que la prêtresse tombe sur un carnet de cuir posé sur le bureaux en acajou du fond de la planque. Elle lança un regard à Armand en direction du cahier, l'inquisiteur se dirigea vers le guide qui les avait mené ici et la guérisseuse s'empara du recueil d'écrits, seul objet qui pourrait vraisemblablement les informer sur le lieu où se trouvait Zilmar :

« Eh ! Ne touchez pas à ça, personne n'a le droit de... Il fut interrompu par Armand qui le saisit par le col, le chasseur d'hérétiques dépassait d'une tête le criminel.
- C'est le seul moyen de savoir où se trouve ton chef, ce n'est pas normal qu'il soit toujours là-bas, il aurait dû revenir depuis longtemps et tu le sais très bien n'est-ce pas ? »

L'homme du vampire et maître des lieux allait répondre que cela arrivait de temps en temps que Zilmar partait pendant plusieurs jours, mais il revenait toujours. Seulement il ressentit une vive émotion qui le fit douter, un mélange de peur et d'amour pour ce chef qui l'avait pris sous ses ordres et avait rendu sa vie dans les bas fonds tellement plus facile depuis qu'il avait rejoins Zilmar. Il réalisa qu'aujourd'hui il ne survivait plus dans la misère, il était respectait et craint par tous car il faisait parti du gang d'un homme puissant :

« Vous avez raison, il faut aller le chercher, il est peut-être en danger et ici on lui doit tous quelque chose. Convaincu d'un sentiment distillait par Armand et sa capacité à ressentir et à influencer les émotions, il se calma et accepta qu'on lise la dernière page du journal intime. »

Autrefois Armand aurait justifié leur acte par le droit que leur conférait l'inquisition et cela aurait certainement dégénéré en combat.

5 juin 1455, la planque de Zilmar.

Armand et l'homme de main de Zilmar se regardèrent et finirent par acquiescer de la tête. Eryndel feuilleta les pages, mais n'y trouva rien de plus. Agacée par le manque d'informations et la sensation d'être coincée, elle jeta le livre à terre et frappa des poings sur le bureau en acajou. Armand ramassa le livre et commença à tourner les pages en marchant pour le reposer sur le meuble.

Alors qu'il réfléchissait à une façon de se sortir de cette impasse, il fut surpris par l'odeur que dégagé le papier. Il rapprocha le journal intime de son nez et pris une grande inspiration. Ce n'était pas l'odeur de l'effet du temps sur les pages, c'était autre chose. Une seconde inspiration, la prêtresse se retourna entendant l'inquisiteur inspirer bruyamment, elle allait lui demander ce qu'il fabriquait, mais elle ne le fit pas. Depuis quelque temps le chasseur de démon développait des capacités plutôt inattendues :

« C'est étrange, ce livre sent... Zilmar ?! »

Il sentit le fauteuil sur lequel le vampire s'asseyait, l'odeur était identique à celle du livre. Il s'assit et fut frappé par une série de flashs où il voyait Zilmar à son bureau en train d'écrire. Armand posa le livre, pris la plume et l'encrier, ouvrit la dernière page et se mit à écrire à son tour.

5 juin 1455.

J'ai rencontré le comte Larmesang, même si je n'ai pas apprécié sa façon de m'inviter, je dois bien avouer que c'est un individu très intéressant. Il m'a fait une proposition très alléchante, je suis convié à rejoindre leur groupe exclusivement constitué de vampires. Cette association à pour but de réunir les vampires les plus puissants afin d'occuper des postes important au sein des sociétés humaines. Ceci nous assurerait une sécurité et un mode de vie très appréciable, j'esp... Eryndel, Armand venez à l'hôtel de Guillaume de Lasteyrie, rue de la bourse dans le vieux Paris, mes hommes vous y conduiront...

Armand s'éveilla subitement :

« J'ai vu Zilmar, lui aussi il m'a vu, je... Il m'a regardé et j'ai lu dans ses pensées. Ce journal intime est tellement imprégné par Zilmar que j'ai pu établir un lien entre lui et moi. » L'inquisiteur se releva encore fébrile sur ses jambes, la liaison l'avait beaucoup remué et affaibli.

5 juin 1455, la planque de Zilmar.

L'homme de main acquiesça silencieusement d'un air grave :

« Qui a-t-il mon fils vous avez l'air inquiet.
- C'est que d'après le peu d'informations que nous avons pu recueillir au sujet de cet homme... Il s'interrompit et rectifia son erreur. De ce vampire devrais-je plutôt dire. Zilmar sait les reconnaître, il a l'œil pour ça. Guillaume de Lasteyrie ne sort que la nuit et principalement pour se rendre à la bibliothèque peu avant sa fermeture.

Sinon il réside dans un hôtel, mais là aussi il y a des détails étranges. D'après les plans du bâtiment, il y aurait une cave relativement petite. Seulement pourquoi Guillaume s'y rend-il tous les soirs et y restent-ils pendant des heures entières ? On suppose qu'il doit y avoir un réseau de tunnel sous l'hôtel qui lui permet de se rendre dans différents lieux à l'abri du soleil.

Quant à ses fréquentations, il n'y a aucun doute à avoir, c'est homme est très puissant. Il a su s'entourer de la haute noblesse. Cet homme ne s'intéresse qu'au personne qu'il considère digne d'intérêt c'est à dire les gens qui ont de l'influence dans la société.

Je vais vous conduire là-bas, mais il va falloir la jouer en finesse sur ce coup là. Pas question de foncer dans le tas en hurlant. »

Sortie de la planque de Zilmar en direction de l'hôtel de monseigneur de Lasteyrie.