[Paris]Aux abords de l'hôtel de Monseigneur de Lasteyrie

5 juin 1455, en provenance de la cache de Zilmar.

L'homme qui guidait Frère Armand et soeur Eryndel s'arrêta brusquement dans une rue qui débouchait sur un bâtiment à l'architecture élégante : l'hôtel de Guillaume de Lasteyrie, cela ne faisait aucun doute. D'ailleurs, leur guide déclara à voix basse :
"C'est là-bas. Je ne vais pas plus loin. Une des maisons de cette rue est reliée à l'hôtel,j'en donnerais ma main à couper : j'ai vu un jour un type entrer dans la d'meure du noble, et une heure après, il est ressorti par cette baraque, là-bas. J'vous jure que j'avais pas bu et que mes yeux n'ont pas quitté la porte de l'hôtel.
- Je vois, murmura Eryndel. Merci de votre aide, euh...
- Jean Cègne.
- Ah. Merci de votre aide, Jean Cègne. Nous devrions pouvoir nous en sortir, à présent. Cependant, si dans trois jours nous n'avons pas donné signe de vie, ni nous,ni votre chef, envoyez ceci au pape."
La guérisseuse tendit une missive cachetée au malandrin, avec un doux sourire.

"Il saura quoi faire."

5 juin 1455, aux abords de l'hôtel de Monseigneur Lasteyrie.

Armand et Eryndel se dirigèrent vers la maison indiqué par le guide peureux. Le façade faite de pierres grossières et de bois avait bel aspect et ne dénoté absolument pas avec le reste des maisons. L'inquisiteur frappa à la porte et se tourna vers Eryndel qui, comme il s'en doutait le regardait d'un air étonné :

« Si quelqu'un ouvre je pourrai peut-être le convaincre de nous laisser entrer en le touchant. »

Oui Armand avait définitivement changé et cet homme colérique qui s'emportait pour toutes les raisons du monde semblait n'avoir jamais existé :

« Vous feriez mieux de conserver vos forces, la potion que je vous ai donné ne durera qu'un temps. »

Finalement personne n'ouvrit, la ruelle était déserte et Armand fit sauter la serrure par un bon coup de marteau de guerre. L'intérieur de la masure était bien différent de sa façade. Manifestement ce passage, s'il existait, ne servait pas souvent. Sans doute était-ce une issue de secours pour permettre à Larmesang de fuir en cas de problème dans sa demeure principale. Il n'y avait pas de lumière, seul la lueur du crépuscule permettait encore aux prêtres de distinguer les tables renversées sur leur passage et les débris de meubles brisés.

Armand précédé Eryndel et traversa l'embrasure d'une pièce, à cet instant une légère brise glaciale traversa le corps de la guérisseuse :

« Soit prudente ! »

Le chuchotement irréel était à peine perceptible et la jeune femme fut parcourue de frissons désagréables. Presque inconsciemment elle saisit Armand par le col et le tira de toutes ses forces en arrières, alors qu'il venait de marcher sur un fil déclencheur. Le piège s'actionna projetant un carreau d'arbalète au dessus des deux corps renversés. Si un piège était là, cela voulait certainement dire qu'ils étaient sur le bon chemin.

Le silence autour d'eux était lourd, aussi palpable que l'obcurité qui s'ouvrait devant eux, gueule béante qui conduisait à Dieu savait quels dangers. Après une prière silencieuse, les deux prêtres avancèrent. Au fond de la pièce ombre, ils distinguèrent, dans un coin, une sorte d'alcove au fond de laquelle, après trois marches, se devinait le contour d'une porte - sans doute celle de la cave. L'ancien inquisiteur et la guérisseuse avancèrent prudemment, prêts à esquiver si un autre piège venait à se déclencher, mais par chance il n'en fut rien. Bientôt, ils avaient atteint le battant de chêne disjoint.
Eryndel y colla l'oreille, mais elle n'entendit rien. Elle colla son oeil à une fente le bois, mais elle ne vit rien. Elle ouvrit donc prudemment la porte, en prenant soin de ne pas rester dans l'encadrement. Armand se posta également sur le côté. Bien leur en prit : le panneau pivota en grinçant sur ses gonds et soudain, un carreau traversa la pièce en sifflant pour se planter dans le mur derrière eux. Ils s'engagèrent dans l'escalier qui descendait dans les profondeurs de la cave...

5 juin 1455, aux abords de l'hôtel de Monseigneur Lasteyrie.

La cave était composée de plusieurs salles plus ou moins petites. Les premières pièces étaient aussi anciennes que la maison et tout aussi délabrées, armoires détruites, garde-mangés restaient fermés depuis longtemps, bouteilles de vin brisées sur le sol poussiéreux.

Les deux prêtres continuèrent leur progression toujours plus loin dans les profondeurs de la cave tout en faisant preuve d'une grande prudence quant à d'éventuels pièges cachés. Jusqu'à ce qu'il arrivent au bout... Au bout ? Oui, la dernière pièce, devant eux se dressait un mur :

« Tout ce chemin pour rien ? Pensa Armand à voie haute.
- Ce n'est pas normal, pourquoi piéger la maison si ce n'est pour y cacher quelque chose. Eryndel s'approcha du mur.
- On y voit rien du tout... Elle toucha le mur du fond.
- C'est étrange frère Armand, ce mur n'est pas construit de la même façon. Tout est en grosse pierres ici et celui-ci est en brique rugueuse. Il n'a pas été fait à la même époque que le reste de la maison.
- Un passage secret... »

Ils se mirent à chercher un moyen d'actionner le mur, de le faire pivoter d'une façon ou d'une autre. D'abord par la force, puis ils renoncèrent assez vite. Ils basculèrent les torches éteintes accrochés sur les poteaux porteurs, tirèrent sur toutes les bouteilles de vin encore intactes sur leur support, déplacèrent les meubles pour y trouver une quelconque manivelle, mais rien :

« Je crois qu'il va falloir trouver un autre moyen d'entrer dans l'hôtel de Lasteyrie. Armand renonçait, Eryndel semblait d'accord bien que fort déçue de ne pas avoir su relever le défi de cette énigme.
- C'est tout de même rageant !
- Oui mais que pouvons nous y faire ? »

Eryndel s'empara du marteau de guerre de l'inquisiteur et s'approcha du mur d'un pas déterminé. Elle leva l'arme au dessus de sa tête et frappa de toutes ses forces. Les briques s'enfoncèrent et tout un pan s'effondra laissant apparaître le passage :

« Et bien cela manque de finesse, je doute que c'était ainsi que l'ouverture ce faisait, mais ça fonctionne. »

Il traversèrent le couloir dégageait de tout obstacle et pénétrèrent dans un nouveau réseau souterrain construit plus récemment que la cave derrière eux. Il était clair qu'ils étaient dans une sorte de laboratoire à en croire les fioles, alambics et cornues tordus dans tous les sens contenant divers produits aux couleurs chatoyantes.

Eryndel 'aventura de quelques pas à l'intérieur, scrutant la pénombre environnante. Tout ce matériel... entre les mains d'un guérisseur ou d'un alchimiste bien intentionné, il permettrait de faire de miracles, mais en la possession d'un vampire... Elle préféra ne pas imaginer quel usage Larmesang pouvait en faire. Tout à coup, son regard tomba sur une forme sombre couverte d'un drap de toile grossière dans un coin. Mue malgré elle par la curiosité, la guérisseuse s'approcha, tira la toile et poussa un cri horrifié en reculant. Ce faisant, elle heurta Frère Armand qui s'était avancé également.
"Oh, pardon... Regarde, là !"bégaya-t-elle en pointant le coin où la masse informe se trouvait. Il suivit du regard la direction qu'indiquait la jeune femme et vit ce qui l'avait effrayée : là, entassés sans ménagement, des corps gris et desséchés s'entremêlaient en nombre. Leur état de putréfaction plus ou moins avancée créait une mosaïque de gris cadavériques variés. La peau livide, tendue à l'extrême et déshydratée, les yeux qui ressortaient, les lèvres tirées sur les dents jaunes, tout ndiquait qu'ils avaient été implacablement vidés de leur sang. En les voyant, Eryndel se revoyait plusieurs années plus tôt, encore enfant, hurler et pleurer face aux corps de sa famille, vidés de la sorte en son abence... Elle se mit à trembler violemment, les poings serrés à s'incruster les ongles dans la paume de la main, le regard fixe, tandis que les larmes qu'elle avait su retenir àl'époque jaillissaient finalement. Larmesang était un monstre. Elle lui ferait payer ses crimes.

Eryndel et Armand, encore choqués par leur récente découverte, tenté de se changer un peu les idées en fouillant le reste de la cave. Mais devant eux s'imprimer encore et toujours les images de ces hommes et de ces femmes exsangues et dans des poses plus que macabres.

Ce fut en partie la raison pour laquelle ils n'entendirent pas assez tôt les bruit de pas dans l'escalier qui menait à eux. Ils ne se rendirent compte qu'un serviteur arrivait que quand la lumière du chandelier qu'il portait leur apparu. Ils n'avaient plus le temps de se cacher.

Le serviteur apparu enfin. En livrée, l'air digne, il ne semblait absolument pas surpris de les voir. On aurait même plutôt dit que tout se déroulait comme prévu. Avant qu'aucun des deux n'ai réagit, il dit :

"Monseigneur désire vous voir, si vous voulez bien me suivre."

Et il se dirigea vers les appartements de Guillaume, leur tournant le dos, sans faire plus attention à eux.

Quel choc ! Comment Larmesang avait-il su...? Le coeur d'Eryndel manqua un battement. Brusquement, elle avait peur. Oui, peur. Peur de rencontrer le vampire qu'elle avait cherché toute sa vie - et pourtant, leurs chemins s'étaient déjà croisés par deux fois ces derniers jours...
Elle consulta Armand du regard, mais il était difficile de déchiffrer son expression dans la pénombre. Elle inspira profondément, et prit son courage à deux mains.
"Suivons-le, murmura-t-elle."

Direction : l'hôtel de Monseigneur de Lasteyrie.

5 juin 1455, Aux abords de l'hôtel de Monseigneur de Lasteyrie.

Monseigneur de Lasteyrie acquiesça et permis à la guérisseuse de sortir d'un geste de la main vers la porte. Eryndel salua une dernière fois les deux vampires d'un signe de la tête et franchie la porte. Armand était là, remis de ses émotions :

« Nous avons trois jours pour décider de ce que nous faisons...
- Alors sortons, les murs ont des oreilles ici. »
Les deux prêtres descendirent l'escalier en bois verni et sortir de luxueuse demeure pour emprunter le chemin qui les mèneraient à la chapelle, leur refuge depuis le début de cette aventure. La jeune femme récapitula la conclusion de la discussion : devaient-ils s'allier au vampire dans l'espoir de gagner sa confiance et de pouvoir lui faire boire le remède de gré ou de force ?

« Ce n'est que pure utopie ma Sœur, tout comme moi vous avez bien vu que ce Larmesang refusera toujours la guérison de sa damnation... Et pourtant nous ne pouvons pas le laisser opérer tranquillement et répandre la corruption au sein de la capitale. Il est clair que cet individu ne vise qu'une seule chose : le pouvoir ! La présence de Zilmar le prouvait. Mettre la main sur Zilmar revient à mettre la main sur les bas fonds parisiens. Il est déjà très présent dans les hautes sphères de la noblesse, il est à deux doigt de réussir à s'accaparer toute la ville et nous ne pouvons pas lutter face à cet individu, il est bien trop puissant pour nous deux !

Il n'y a qu'une seule chose à faire ma Sœur... Il faut retourner au Vatican et prévenir le pape ! »

Après une brève hésitation, Eryndel demanda :
"Crois-tu vraiment, Frère ? Je comprends aisément ton point de vue, mais..."
Elle s'interrompit. Pouvait-elle vraiment expliquer à Armand ce qu'elle craignait ? Elle n'osait le lui demander... Et si le pape était déjà au courant du règne caché des vampires ? que feraient-ils, l'inquisiteur et elle ?
Elle jeta un coup d'oeil sur la maison devant laquelle ils passaient - il s'agissait de celle par laquelle il avaient accédé à l'hôtel de Monseigneur de Lasteyrie. Elle décida de remplacer ce qu'elle allait dire par autre chose, de peur que son silence prolongé n'étonne son ami.

"Mais... je pense qu'actuellement il est le mieux placé pour se débarrasser des goules suspectes qui errent sous Paris. Je doute que tous les Inquisiteurs de l'Eglise réunis ne parviennent à toutes les éliminer... Elles sont si nombreuses ! Et si imprévisibles de par leur folie... SI quelqu'un peut s'en charger, c'est bien les vampires."
Nouveau silence.
"Enfin, cela n'empêche pas d'envoyer un message au pape lui exposant la situation dans laquelle la capitale se trouve plongée."
Comme elle disait ces mots, les deux serviteurs de Dieu quittaient le quartier de l'hôtel et, insensiblement, se rapprochaient de la chapelle. Armand ne répondit pas tout de suite à Eryndel : il était plongé dans une intense réflexion, et ce n'est qu'à l'intérieur du lieu saint qui leur servait de refuge qu'il reprit la parole.

Départ pour Paris : une petite chapelle dédiée à la Vierge

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