[Paris] L'Hospital de Notre Dame.

6 juillet 1455, en provenance d'une chapelle dédiée à la Vierge, à l'hospital de Notre Dame.

Les deux prêtres franchirent la porte de Paris sous le sourire vertical mais néanmoins joyeux d'un croissant de lune escorté d'une nuée d'étoiles. Si les astres rivalisaient entre eux pour dessiner d'improbables figures géométriques dans le ciel nocturne, il n'y avait rien de plus resplendissant que la sérénité bienveillante d'Armand et d'Eryndel d'être ensemble, unis dans un même but commun d'une infinie noblesse d'âme. Obéissant au principe fondamental du : '' tu aideras ton prochain '', il parcoururent la campagne le cœur léger. Océan de blé mu par un vent qui pour une fois prenait son temps, le couple écoutait silencieusement le doux remous des vagues céréalières. L'ancien inquisiteur prenait, depuis ce qui lui semblait être une éternité, le temps d'apprécier le moment présent. Jamais la beauté de l'œuvre de Dieu ne lui fut aussi flagrante, tous les éléments qui l'environnait lui apparaissaient comme l'assemblage parfait d'une harmonie divinement humaine.

La silhouette solitaire du corps de ferme recherché se découpa discrètement sur le paysage campagnard. Le lieu était idéal, cependant à leur approche, ils se rendirent compte que l'habitation était occupé à en croire l'éclairage sommaire qui se dégageait des fenêtres. Un peu inquiets, La guérisseuse et l'inquisiteur se questionnèrent du regard. Finalement ils décidèrent de s'avancer et de frapper à la porte tout simplement, persuadé d'avoir affaire à un groupe de sans abris :

« Ouvrez s'il vous plaît, nous sommes deux prêtres de l'Église venu proposer nos services aux démunis ! »

Un silence de plomb accueilli la déclaration d'Armand, puis du mouvement se fit entendre, la porte s'entrouvrit timidement et le petit visage sale d'une gamine vêtu de haillon se fit voir :

« Vous êtes vraiment des prêtres ?
- Oui ma chérie, répondit tendrement la prêtresse.
- Ma maman est très malade, mon papa dort et il veut pas que je vous laisse entrer... Il dit qu'on a nul part d'autre où aller, mais ma maman me fait peur quand elle respire... j'ai peur qu'elle arrête de respirer.
Des larmes inondèrent les yeux bleus de ce chérubin aux cheveux, autrefois d'un beau blond, encrassés de saletés séchés.
- Nous ne voulons pas vous déloger mon enfant, nous voulons surtout vous aider. Eryndel est une guérisseuse, elle peut aider ta maman j'en suis sûr. »

Après quelques secondes d'hésitation l'enfant permit l'accès, Eryndel et Armand suivirent leur guide pas plus haut que les ballots de paille entreposés dans cette grange. On les conduisit au chevet d'une femme vieillie par la crasse qui entachait son visage. Ses inspirations étaient fortes bruyantes et difficiles, elles transpiraient malgré la fraicheur du soir et se tenait les côtes sans doute douloureuses. Eryndel apposa ses mains sur les joues de la mère et se mit à prier, suivit par Armand qui s'agenouilla à son tour en faisant le signe de croix. Entendant les murmures pieux, le mari se leva. Alarmé par la présence de deux étrangers il voulut intervenir, mais lorsqu'il posa sa main sur l'épaule d'Armand un déluge de sensations l'envahit, en partageant l'empathie de l'ex-inquisiteur, des larmes émotives perlèrent sur ses joues, il tomba à son tour à genoux et se mit à prier lui aussi. Chacun des trois fils s'éveillèrent, furent touchés par la grâce de l'instant et se joignirent à la prière. C'est ainsi que débuta l'œuvre d'Armand et Eryndel, la femme fut guérie, les sans abris acceptèrent qu'ils logent avec eux. Depuis ce jour le corps de ferme est un lieu connu sous le nom de l'Hospital de Notre Dame où tous peuvent recevoir soins et logis sans avoir à débourser le moindre sous et ce quelque soit son origine ethnique et social.