[Paris] Le "Temple"

En provenance de la Planque de Zilmar.

Le temple était sans doute la plus grande réussite et la plus grande fierté de Zilmar.

Le nom était très ironique, c'était évident, mais il faisait terriblement rire les bourgeois qui composait la clientèle.

On y venait pour boire, pour manger, pour rire, le tout en charmante compagnie. De jeunes filles que Zilmar avait trié sur le volet. Il avait choisi ses filles sur les seuls critères du physique et des capacités à donner du plaisir aux hommes. Elle lui appartenaient plus ou moins, il les avait fait enlever ou les avait acheté.

Ce soir là en tout cas, il était bien décidé à profiter des attraits du Temple. Il était possible que ce soit une des dernières fois... Une prêtresse... Et pas n'importe laquelle ! Elle avait tué quinze de ses meilleurs hommes ! Des hommes forts et sans pitié, passés maître dans l'art de se battre et de tuer ! Cette fois ce ne serait pas comme avec l'autre prêtre, cet imbécile qui en réalité n'avait aucune capacités pour tuer un vampire... Cette fois, la faire assassiner n'était même pas envisageable. La diplomatie était la meilleur option.

Zilmar passa la soiré dans une petite chambre du Temple, avec trois de ses prostitués. Il mangea et il bu tant qu'il put, et fornica avec autant d'appétit qu'un humain normal. Il laissa ensuite les filles seules pendant une heure pour "aller se dégoudir les jambes". Heure durant laquelle un des clients disparu sans laisser de trace. Il revint et dormit en attendant des nouvelles de la prêtresse. Les filles s'en allèrent peu après, et Zilmar resta seul dans la chambre.

La porte s'ouvrit lentement. Une ombre entra et s'approcha du lit. Elle sortit une grande lame d'une de ses manches et la leva au-dessus de sa tête. Zilmar ouvrit alors les yeux et hurla. La lame s'enfonça jusqu'à la garde dans son cou. Elle en sortit, et en flot de sang coula. La lame se replanta à plusieurs reprise dans le corps de Zilmar...

Zilmar se réveilla en sursaut, transpirant et haletant.

Un cauchemard ! Un horrible cauchemard !

Il sortit de la chambre, et se dirigea vers un cabinet, prenant au passage un homme imposant qui ferait office de garde du corps. Le cabinet était sobrement meublé. Zilmar s'assit derrière la bureau et attendit. Elle allait venir. Elle le retrouverait vite. Il fallait être prêt.

Et alors ? La nuit avait passé, et toujours aucune nouvelle de cette prêtresse !
Où était-elle donc ?
Hum... Il avait dû la surestimer finalement... Elle ne l'avait toujours pas trouvée. Bon. Que faire alors ? Elle finirait par venir, sans doute. A moins qu'elle n'ait peur ? Non, impossible, elle avait massacré nombre de ses hommes à elle seule. Bon, alors elle viendrait, peut-être plus tard. Il fallait l'attendre là.

Mais voilà ! L'idée était faisable. Zilmar disposait en fait de temps, il allait pouvoir organiser sa défense. Bien. Très bien. Il fallait bien se défendre, pas pour sa vie, mais pour tout ce qu'il avait construit ces dernières années, ici, à Paris. Pour sa vie, il ne se faisait pas de soucis. Il était fort. Trop fort pour toute cette prétraille moraliste et décadente. Il allait lui montrer à celle-là, ce qu'était le pouvoir d'un vampire ! Il se voyait déjà lui briser les os un à un, la lacérer à coup de lame. Il finirait par la violer et la laisser mourir au bord d'une ruelle. Oui, bonne idée, avec un peu de chance, il pourrait en tirer du plaisir finalement. Il boirait son sang aussi. Quoi d'autre ?

On frappa à la porte.

"Entrez !"

Bérenger entra.

"On a un problème."
"Quoi ?!"

- Un d’nos gars a vu la fille à deux rue d’là !
- Merde…

Pile au moment où Zilmar ne l’attendait plus... Il fallait se préparer désormais.
Bon. Que faire ? Mais oui ! Les idées lui vinrent d'un coup par paquets entiers.

- Boris !

Des bruits de pas se firent entendre et un homme entra dans la pièce.

- Oui chef ?

Zilmar désigna une armoire du menton.

- Planque toi là-dedans avec une arbalète et attend. Quand je dirais le mot "dommage", tu sortira et tu plantera un carreau dans le corps de la prêtresse qui sera là.
- Bien.

Il sortit.

- Bérenger, tu la fera entrer, tu me l'ammenera, et ensuite tu attendra devant la porte avec deux hommes armés. Préviens aussi les autres de se fondre dans la foule de bourgeois débauchés. Ils faut qu'ils soient prêts à intervenir. Mais n'oublie pas, elle est très dangereuse, il faudra bien se méfier. Prudence et attaques en traitre.

Il acquiesca et sortit de la pièce au moment où Boris revint avec son arbalète chargée. Il entra dans l'armoire et Zilmar repoussa les portes derrière lui.

- Bien, préparons ma sortie maintenant.

Zilmar s'assit dans le fauteuil et fit des petites vérifications.

- Très bien.

Il s'allongea à moitié dans le fauteuil en souriant, les crocs sortis.

- Viens ma jolie, je t'attends.

En provenance d'une rue des bas-fonds

Eryndel entendait des murmures hostiles sur son passage, mais elle n'en avait cure. Les hommes de main du mercenaire ne l'intéressaient nullement.
Enfin, elle parvint au maître des lieux. Quel étrange personnage... Ses yeux étaient plus brillants que la normale. Elle peinait à distinguer son visage blafard dans la pénombre glauque de ce... "Temple" de la débauche. Toutefois, elle refusait de se laisser impressionner. Elle se campa face au mercenaire, bras croisés.

"Mercenaire, j'ai cru comprendre que tu étais l'un des meilleurs de ta profession", commença-t-elle sans préambule. Sa voix claire contrastait avec la dureté de son regard.

Mercenaire ? Hum... Zilmar ne s'en formaliserait pas.

- En effet, si ce n'est le meilleur de tous Paris. Et que puis-je pour vous ?

Zilmar fit un grand sourire.

- Si vous êtes ici, vous cherchez sans doute de la compagnie pour la nuit.

Les visages des hommes au pas de la porte s'illuminèrent d'un sourire malsain. Il pourrait être utile de l'humilier en publique. Peut-être perdrait-elle ses moyens.

- J'ai de superbes femmes à vous proposer.

Zilmar fit un geste de la main.

- Assez rit. J'imagine que vous désirez des services différents. Un meurtre ? Un enlévement ?

Zilmar ouvrit les bras en grand.

- Demandez nous ce que vous voulez. Nous pouvons tout faire, la seule limite est l'argent que vous pouvez y mettre.

Voilà. Jouer le jeu. Comme si il n'était qu'un "mercenaire" comme elle le disait, et non pas un vampire... Cela pourrait marcher.

La jeune femme scruta le visage de son interlocuteur. Quelque chose le dérangeait, chez lui... Mais quoi ? Si seulement elle pouvait mieux distinguer ses traits. Plus tard, peut-être, à la lumière du jour...
Il croyait l'humilier par son ton insultant, mais elle en avait entendu d'autres. Cela ne la touchait plus. Qu'il dise ce qu'il veule, si cela pouvait l'amuser... Elle se contenta de lui répondre.

"C'est pour une...
Elle hésita. Non. Il n'avait pas besoin de savoir qu'il s'agissait d'une vengeance. Elle reprit, fermement :
- C'est pour un meurtre.
Elle balaya du regard les hommes louches qui fréquentaient ce lieu, puis reprit :
- Mais attention. La cible ne sera pas facile à abattre. Peut-être ne me croirez-vous pas, et dans ce cas, il vous faudra oublier ce que je vous ai dit. Si vous me croyez, en revanche, ne soyez pas effrayés par la difficulté apparente du contrat. Je vous assure que vous serez bien payés, car en accomplissant cette tâche, c'est l'Eglise tout entière qui vous sera reconnaissante.
Elle marqua une pause. Certains semblaient sceptiques, d'autres attendaient avidement la suite. L'expression du mercenaire était masquée par les ombres qui tombaient du plafond.
- La cible à abattre ? J'ignore son nom, et je ne sais où il est. Je ne connais que son visage, que je vous décrirai uniquement si vous acceptez de me rendre service. Pour le moment, sachez seulement ceci : c'est un vampire."
Elle se tut, attendant des réactions de la part de son interlocuteur.

Un doute plana dans la salle. Savait-elle qu'il était un vampire, et dans ce cas c'était un piège, ou voulait-elle réellement son aide pour abatre un vampire sans savoir que Zilmar était celui-ci ?

Zilmar pencha pour la deuxième option.

Il éclata de rire.

- Vous entendez ça vous autres ? Un vampire !

L'hilarité fut rapidement générale. Des hommes vinrent du reste de la maison, et s'entassèrent dans la pièce pour assister à celà. Personne parmi les truands des Bas-Fonds ne croyaient aux vampires. Ils étaient certes très supersticieux, par exemple il y avait une foule de choses qui portaient malheur selon eux. Mais qu'on leur parle de vampires, de trolls ou même de dragons les faisait beaucoup rire.

- Voyons ma dame, les vampires n'existent pas, c'est bien connu.

Si Zilmar était doué pour une chose, c'était bien le mensonge. Il était très crédible. A tous les coups la prêtresse le croirait.

Zilmar fit un geste des bras pour calmer les rires.

- Après tout, vous pouvez croire ce que vous voulez. Du moment que vous payez, nous tuons n'importe qui sans poser de question. Que cette personne soit vampire ou non, cela nous est égal, pas vrai ?

Un murmure d'approbation couru dans la salle.

- Nous vous écoutons, ajouta Zilmar.

- Le vampire en question a déjà occis un prêtre, c'est tout ce que nous savons.

L'assemblée entière se retourna comme un seul homme... Dans l'encadrement de la porte, un homme de haute stature, le visage encapuchonné, arborant une énorme croix blanche sur sa tunique et une épée ensanglanté à la main, se tenait debout. On ne voyait alors de son visage que son sourire qui semblait indiquer que la scène l'amusait un peu...

- Cher hôte, loin de moi l'idée de me montrer désagréable et de faire un esclandre, mais vous devriez mieux choisir vos associés ; ou, du moins leur apprendre à ne pas voler les mauvaises personnes.
Un homme que je soupçonne être des vôtres en a fait les frais il y a environ cinq minutes lorsqu'il tenta, assez maladroitement je dois dire, de me subtiliser ma bourse après m'avoir conduit jusqu'ici...

Le tintement de plusieurs lames sortant de divers fourreaux empli alors la pièce. Turmac ne bougea pas d'un pouce, continua de sourire comme s'il venait d'être touché par la grâce.
Retirant son capuchon et laissant donc voir son visage, il s'avança d'un pas assuré et se posta aux côtés de la seule femme de l'assistance.

- Soeur Eryndel je suppose... Monseigneur l'Êveque l'Anglais m'envoie vous seconder. J'ai eut un peu de mal à trouver cet endroit, mais maintenant que nous y sommes, je me réjouis d'enfin vous rencontrer.
Je suis le frère Turmac, Chevalier de l'Ordre des Chevaliers de l'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem.
Allons messieurs, nous sommes entre gens de bonnes compagnie, il est inutile de sortir vos lames émoussées...

Eryndel sourit, un peu étonnée dela promptitude avec lequel les renforts étaient arrivés.
"Frère Turmac, merci d'être venu. Je ne m'attendais pas à ce que vous arriviez si tôt.
Elle se tourna ensuite vers l'homme dont elle ignorait la véritable nature.
- Mercenaire, vous avez entendu : les vampires existent bel et bien. Je le sais : j'en ai déjà affronté, de même que d'autres créatures de la nuit censées n'être que des mythes.
Elle hésita. Déidément, il y avait quelque chose d'anormal chez son "hôte". Quand la porte de la salle s'était ouverte, livrant passage à Turmac, le visage de son interlocuteur, éclairé brièvement par les torches du couloir, lui avait paru anormlement pâle. Etait-il malade, ou... ?
- Mais peut-être savez-vous tout cela, ajouta-t-elle en plissant les yeux. Qu'en pensez-vous, Turmac ? Je n'y avait pas porté attention, mais... son visage me rappelle quelque chose. Vous êtes si pâle, mercenaire... Seriez-vous malade ?"
Une lueur inquiétante animait ses prunelles de jade, si dures dans ce jeune visage.

Là, Zilmar était dans la merde. Dans une belle grosse merde.

L'arrivée de ce prêtre, qui avait l'air d'être un guerrier accompli et qui était mieux armé qui tous les truands ici présents, avait géné Zilmar... Si il y avait un combat, ce serait une boucherie. Bien sûr, Zilmar ne doutait pas une seule seconde de la victoire de ses partisans, après tout ils étaient bien plus nombreux. Mais cette victoire serait payée au prix fort. Sans doute Zilmar lui-même ne s'en sortirait pas... Il fallait donc éviter cela à tout prix...

Zilmar se rendit soudain compte que cela était pire que prévu. Il était très mal placé. En cas de problème, il serait la première cible, et sans doute la première victime... De plus, le nombre allait géner ses hommes et avantager les deux prêtres... Surtout dans une salle aussi petite...

Il fallait jouer fin, mais la balle était dans son camp : ces deux couillons ne savaient pas que c'était lui le vampire.

Il entendit la prêtresse demander : " Vous êtes si pâle, mercenaire... Seriez-vous malade ?"

Et re-merde !

Bon, il fallait trouver quelque chose. Ils semblaient avoir des doutes à présent.

Il prit un air étonné.

- Pardon ?

Il fit une courte pause.

- Mais en quoi mon état de santé vous préoccupe-t-il ? J'avoue ne pas être au mieux de ma forme, certes, mais ce n'est pas votre problème après tout.

A ce moment là, Bérenger intervint, ce qui sauva peut-être la mise de Zilmar.

- C'est la fièvre des marais ma bonne dame. Le patron l'a atrappé lors de certaines occupations nocturnes.

Simuler la colère lui paru alors la meilleure idée.

- Tais toi donc abruti ! Les hommes n'avaient pas besoin de savoir.
- Ils savent déjà. Vous êtes tous pâle, et vous n'êtes lucide que la moitié du temps. Le reste, vous délirez et vous dormez. C'est visible, et on n'est pas aveugle.
- Nous réglerons cela plus tard.

Il se tourna vers les deux prêtres.

- Je vous crois sur parole. Si vous dites que les vampires existent et que vous en avez déjà combattu, je vous crois. Mais je m'étonne. En quoi pouvons-nous vous aider ? Nous savons combatre les hommes, mais pas les démons. Nous ne sommes pas prêtre. Qu'attendez-vous de nous ?

" C'est très simple, répondit Eryndel. Je vous demande juste d'enquêter et de trouver où se cache le vampire qui a détruit ma famille. Une fois que vous l'aurez trouvé, prévenez-nous, frère Turmac et moi. Nous nous chargerons alors de l'assassin et de son complice, que je vou décrirai également si vous acceptez la mission. Ce dernier était encore un homme. Toutefois, il se peut qu'entre-temps... il soit passé dans le monde de la nuit.
Elle marqua une pause, puis reprit :
- Oh, et si je m'inquiète de votre santé, c'est parce que je suis avant tout une guérisseuse. Et avant que vous ne fassiez allusion aux hommes que je vous ai tués et que vous vous étonniez de cet acte apparemment en décalage avec ma vocation, j'ajouterai que je pratique toutes les formes de guérison. Y compris, si le cas est désespéré, la mort."

Son regard se durcit encore, si c'était possible, pour cacher la répugnance qu'elle ressentait à employer ce dernier moyen. En réalité, même les vampires, même les lycans, selon elle, devraient pouvoir être guéris autrement que par un pieu dans le coeur ou que par une lame en argent. Elle n'avait pas encore trouvé de remède, mais elle n'abandonnerait pas ses recherches.

"Alors ? questionna-t-elle enfin, en haussant la voix pour couvrir les murmures des occupants de ce lieu mal famé. Vous sentez vous prêt à accepter cela, ou non ?"

Le marché sembla intéressant à Zilmar. Il ne se souvenait pas avoir massacré la famille de qui que ce soit. Cela signifiait qu'elle parlait d'un autre vampire, pas de lui.

Un autre vampire à Paris... Il suffirait de le trouver, de le livrer à ces deux-là, et Zilmar serait tranquille ! Bien. Dans ce cas.

- Pour mes hommes, ne vous inquiétez pas. Ils n'avaient qu'à pas vous attaquer, ils seraient toujours vivants aujourd'hui.

Il se tourna vers les truands présents dans la pièce.

-Retenez la leçon vous autres ! Même une jeune femme peut s'avérer dangereuse. Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire.

Il fit ensuite une révérence aux deux prêtres.

- Je suis tout à fait enclin à vous apporter mon aide. Il ne me faut plus que la description de ces deux "vampires", et bien sûr, celle de votre bourse.

Il sourit.

Eryndel réfléchit, puis déclara, sourire aux lèvreset les yeux pétillants de malice :
"Oh, ma bourse est bien remplie. Vous savez à quel point l'Eglise est riche."

Ses propos étaient à la limite de l'hérésie aux yeux des ecclésisatiques, elle le savait. Mais elle n'ignorait pas non plus qu'il n'était écrit nulle part dans les Evangiles que les prêtres avaient droit à plus de richesse que les autres.
"En fait, la rémunération que je vous propose est d'une telle importance que je ne puis en parler devant vos hommes. Il vaudrait mieux que nous n'en parlions que tous les trois, Frère Turmac, vous et moi.
Et elle ajouta sur un ton innocent, de façon à ce que seul Zilmar l'entende :
- Vous ne voudriez tout de même pas que je parle de la gravité de votre "maladie" devant vos hommes, si ?"

Eh bien... En être réduit à l'état de garde du corps était une première pour Turmac.
Cela ne le dérangeait pas tant que cela au final. Pour l'heure, il ne savait pas grand chose de la situation et préférait s'en fier aux intuitions de sa consœur avant de faire ce pour quoi on l'avait envoyé dans la capitale.
Les choses semblaient bien se présenter et il paraissait évident que, pour le moment, le temple n'était pas plus dangereux pour les deux prêtres qu'une église l'était pour un dévot.

Le chef de la racaille fit un signe de la main et les hommes sortirent en grommelant... Il fallait être honnête et pour avoir vu plusieurs fois ce type de personnes, Turmac savait qu'ils n'aimaient pas beaucoup les manigances et les affaires qui demeurait secrètes au sein de leurs propres affaires. Mais cela n'était en aucun cas le problème de l'Eglise...
Une fois les hommes sortis, le Chevalier de l'Hospital de Saint Jean de Jérusalem se tourna vers son hôte.

- Mon cher, nous n'en avons pas après vous et je ne ferai rien à votre encontre tant que vous ne m'y forcerez pas. Mais faites nous donc l'honneur de connaître votre nom...

La prêtresse fit un grand sourire.

- Oh, ma bourse est bien remplie. Vous savez à quel point l'Eglise est riche.

Zilmar sourit aussi, il aimait l'argent, ils allaient s'entendre. Elle continua.

- En fait, la rémunération que je vous propose est d'une telle importance que je ne puis en parler devant vos hommes. Il vaudrait mieux que nous n'en parlions que tous les trois, Frère Turmac, vous et moi.

D'un coup, sans raisons apparentes, Zilmar connu une période de totale lucidité, comme il n'en avait pas connu depuis des années. Il compris. C'est lui qui s'était fait avoir. Ils voulaient l'attirer dans un piège, et un piège grossier qui plus est. Ils voulaient qu'il soit seul pour pouvoir le tuer tranquillement et facilement. Et ils osaient lui donner une si mauvaise excuse ? N'importe quoi ! Zilmar hésita à leur répondre qu'il ne pouvait rien cacher à ses hommes.

- Vous ne voudriez tout de même pas que je parle de la gravité de votre "maladie" devant vos hommes, si ?

Ils savaient, ils savaient tout. Mais comme c'était stupide ! Le faire chanter ! Comme si ses hommes allaient hésiter entre lui et eux. Qui allaient-ils croirent ? Leur chef adoré, ou des prêtres ? Ha ! Des prêtres. La chose que les truands détestent le plus après les hommes de la milice. Bref. Zilmar fit un choix, il renvoya ses hommes, et fiy un même temps un léger signe de tête en direction de Bérenger. Ses hommes seraient prêts.

Le prêtre prit la parole.

- Mon cher, nous n'en avons pas après vous et je ne ferai rien à votre encontre tant que vous ne m'y forcerez pas. Mais faites nous donc l'honneur de connaître votre nom...

Bon, et bien voilà. Zilmar était au bord du gouffre. Il décida de franchir le pas.

- Vos manières deviennent insultantes. Mais passons. Pourquoi voulez-vous mon nom ? A quoi pourra-t-il vous servir ? Je ne suis pas français, et vous aurez du mal à trouver quoi que ce soit à mon sujet ici. Je me nomme Zilmar, fils ainée et néanmoins déshérité de la famille Hem Rarko. Pour vous servir.

Il fit une révérence.

- Maintenant, je vais vous expliquer une chose. Je n'accepte pas qu'on me parle sur ce ton, et qu'on me menace chez moi. Ne vous apprend-on pas l'humilité et la politesse, à vous, les prêtres ? Frère Turmac, sachez que ce sont les prêtres comme vous qui déshonorent le clergé. Et quant à vous, vous faites un beau métier, je vous respecte pour ça. L'altruisme n'est pas mon fort vous vous en doutez, et j'ai depuis longtemps cédé à tous les vices, mais quand même, je trouve toutes vos occupations très nobles. Sur ce.

Il refit une révérence. Et cria sans se tourner vers l'armoire.

- Boris ! Change de cible ! L'homme me parait plus dangereux ! Vous autres, vous savez ce qui vous reste à faire !

Il tira un levier à côté de son siège, et son fauteuil bascula dans un trou.

Sortie en direction des Egouts.

Boris sortit de l'armoire en lachant un carreau qui fila vers le prêtre, et les hommes de main de Zilmar envahirent la pièce.

Il n'avait pas fallut longtemps à Zilmar pour prendre la poudre d'escampette et cela en laissant les deux prêtres en plus ou moins mauvaise posture...
Le carreau tiré par le dénommé Boris manqua de peu Turmac et alla se ficher droit dans la tête d'un soudard qui venait d'entrer, un couteau à la main. Faisant basculer son bouclier de son dos à son bras gauche, Turmac dégaina sa lame et se posta entre Eryndel et la porte principale d'où venait de surgir cinq marauds.

- In Nomine Patris et Filii et Spiritus Sanctis, Amen... Ma chère, je vous laisse l'arbalétrier, je couvre vos arrières.

Chargeant sur le petit groupe, le Chevalier de l'Hospital de Saint Jean de Jérusalem frappa le premier bougre qui fut à sa portée avec son bouclier tandis que son épée allait à la rencontre du gourdin que tenait un maroufle posté à sa droite.
Ces hommes étaient certes des truands qui inspiraient la peur à la populace, mais peu d'entre eux avaient déjà eu affaire à un homme en armes... Fort de l'entraînement rigoureux que son père lui avait fourni, Turmac mis à bas ses deux premiers adversaires sans trop de difficulté ; fracassant la carotide de l'un avec son bouclier une fois que ce dernier fut au sol et fendant en deux le crâne de l'autre en frappant de taille avec son épée.
La mort aussi brutale de deux de leur compagnons réfréna un temps soit peu les ardeurs des trois brigands restants mais ne les dissuada pas de se battre pour autan... Il fallait en finir vite, ce lieu regorgeait de pleutres qui ne souhaitaient que torturer et occire Turmac et de violenter et occire la belle Eryndel.

- Ma soeur, auriez vous un quelconque plan pour nous sortir de ce mauvais pas ? Je doute que nos prières nous soient d'une quelconque aide en ces lieux...

La taille de la pièce donnait l'avantage aux deux prêtres. En effet, les hommes de Zilmar ne pouvaient rentrer qu'au compte-goutte, et les combats se faisaient donc quasiment à un contre un. Cependant, le chevalier était un bon combattant, et les hommes tombaient sous ses armes, quasiment sans pouvoir lui donner le moindre coup.

Bérenger prit alors une décision.

- Cessez l'combat !

Les hommes s'immobilisèrent tous, y compris les deux prêtres, surpris. Une dizaine de corps gisaient à terre, et il y avait bien cinq ou six bléssés qui se terraient dans les coins de la pièce.

Bérenger savait qu'ils n'étaient pas de taille face à ces deux guerriers, malgré leur surnombre.

- J'vous propose un accord. Un combat s'rait mauvais pour tout l'monde, nous avons d'jà perdu beaucoup d'entre nous, et si nous continuons, d'autres tomb'ront. Quant à vous, vous d'vez savoir qu'même si vous êtes très fort, en cas d'combat, vous n'ressortirez pas d'ici vivant... J'vous propose donc une chose. Nous vous laiss'rons sortir en vie, et nous n'tent'ront aucune vengeance future. En échange, vous partirez sans histoire, et vous nous laiss'rez tranquille à l'avenir. Qu'en pensez-vous ?

Bérenger estimma que le marché était équitable.

Eryndel n'héita pas une seconde :
" En ce qui me concerne, j'accepte de vous laisser tranquille. Il n'en sera pas de mêmme pour votre chef, par contre. J'en suis désolée, mais je dois le retrouver.
Elle leva la main pour couper court aux protestations qu'elle voyait naître dans le regard du brigand.
- C'est très noble à vous de vouloir le défendre, dit-elle, la voix radoucie. Cependant, je ne souhaite pas le tuer. Il s'est mépris sur mes intentions. J'ai réellement besoin de son aide, vous comprenez."

Oui, qui d'autre qu'un vampire pouvait mieux trouver la trace d'un autre buveur de sang, connaître ses ruse, ses cachettes, son mécanime de pensée ?

"Ecoutez, je n'ai pas le temps d'attendre votre permission. Je vous donne ma bénédiction. Quittez le chemin que vous avez emprunté. Faites le bien autour de vous, au lieu de répandre mal et corruption. Et maintenant, adieu. Venez-vous, Frère Turmac ?" acheva-t-elle en se dirigeant vers l'isue empruntée par le mercenaire vampire.

Direction : Les égouts

Les deux prêtres descendirent prudemment par le trou, en direction des égouts.

Bérenger prit alors les choses en main.

- Bon, toi, court à la plaque pour prév'nir l'patron. Y'a eu un malentendu, ils lui veulent pas d'mal les deux prêtres, ils ont juste b'soin d'lui pour une affaire.

L'homme partit en courant.

- Les autres, rangez-moi tout c'bordel ! Balancez les corps, soignez les bléssés, et remettez d'l'ordre là-d'dans. Boris ?
- J'suis là...

Il était mal en point. Il avait reçus un coup de lame, avait basculé et avait percuté le coin du bureau.

- Soignez-le en priorité, je le veux sur pied pour organiser tout ça ! Le Temple doit reprendre son activité le plus tôt possible, la nuit prochaine même. Allez !

Tous les hommes se mirent au travail. Bérenger sortit du Temple, et se dirigea à son tour vers la planque.

31 mai 1455, en provenance d'une chapelle dédié à la Vierge.

Pour la deuxième fois en moins de quarante-huit heures, la jeune guérisseuse s'aventura dans le Temple qui rassemblait toute la lie de Paris avec une assurance qu'elle était loin de ressentir.
Nulle part elle n'aperçut Zilmar. Elle commençait à croire à un piège, quand une silhouette rendue indistincte par la pénombre enfumée des lieux se fraya un passage vers elle.

L'homme, encapuchonné, s'inclina devant elle.

"Ma soeur, Zilmar vous attend, venez."

Il lui désigna une porte dans un coin de la salle.

"Nous allons passez par les égouts, mais sur quelques mètres pas plus, ne vous en faites pas. Ensuite nous passerons par les rues."

Il se dirigea vers la porte.

La jeune fille décida de faire confiance à l'envoyé de Zilmar, même si elle était intriguée par cette abondance de précautions.Le trajet qu'on lui faisait suivre - de la cahpelle au Temple,puis du Temple à ce qui devait être la planque de Zilmar, en passant par les égouts - avait de quoi dérouter.
Sans doute prenait-on toutes ces précautions pour échapper à une éventuelle filature ?
Oui, ce devait être cela.

Elle emboîta le pas à son guide.

Direction : La planque de Zilmar

3 juin 1455, en provenance de La Bibliothèque Royale

En arrivant au Temple, l'excitation de la guérisseuse était retombée. En repensant à l'inconnu de la bibliothèque, elle se maudit d'avoir parlé du vampirisme : elle avait le sentiment - non, la certitude d'avoir déjà rencontré cet homme, même si elle n'avait pu retrouver son visage dans ses souvenirs... En revanche, sa voix lui rappelait quelque chose,mais quoi ? Si seulement la bibliothèque avait été mieux éclairée, les yeux de la jeune femme, bien que fatigués par le manque de sommeil, auraient pu déterminer si ce courtisan était ou non déguisé - et elle aurait pu mettre le doigt sur son identité. Et si c'était un vampire ? Si c'était Larmesang ? Non, cela était impossible. Elle chassa cette hypothèse de ses pensées.

Elle y réfléchirait plus tard, de toute façon. Pour l'heure, elle devait demander à voir Zilmar afin d'apprendre s'il n'avait pas rassemblé de nouvelles informations. Elle se fraya donc un chemin parmi la plèbe en cherchant des yeux Bérenger, Roland ou le buveur de sang.

Au moment où il arriva devant l'entrée du Temple, ZIlmar apperçu la prêtresse.

"Tiens tiens. Voilà qui est intéressant."

Il marcha à grandes enjambées jusqu'à la porte du Temple. Le garde le salua respectivement et Zilmar entra. Il se sentit revigoré en voyant son œuvre, cet endroite de débauche qu'il avait créé. Il y avait du monde, comme toujours. Des bourgeois avinés s'amusant avec les catins. Des gardes surveillant un éventuel débordement. Des hommes apportant nourriture et boissons en quantité pour satisfaire les clients.

Il rattrappa rapidement la prêtresse en traversant la pièce principale, et se glissa juste derrière elle.

"Vous cherchez quelqu'un ?" lui murmura-t-il à l'oreille.

Elle se retourna, le reconnut, sourit :
"Oui. C'est vous que je cherche."

La jeune femme était soulagée. L'espace d'un instant, elle avait cru qu'il n'était pas là, ou qu'elle ne parviendrait pas à le trouver, dans cette foule affairée... Mais lui l'avait trouvée.
Elle s'arrêta, regarda autour d'elle, et demanda avidement :
"Je voudrais savoir si vous avez des renseignements supplémentaires concernant..."

Elle s'interrompit. Etait-il bien prudent d'évoquer un tel sujet en ce lieu ?

"Peut-on en parler à l'abri des oreilles indiscrètes ?"

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