[Paris]L'hôtel de monseigneur de Lasteyrie

La situation s'était tendu entre l'inquisiteur et le vampire, et la discussion avait coupé court.

De toute manière, Zilmar s'y était attendu : ce genre de débat ne s'achève jamais sur un accord ; il se termine plutôt comme il a commencé, les protagonistes n'ayant pas cédé d'un pouce. A la limite, on peut parfois constater une exaspération totale d'un côté ou de l'autre, certaines personnes ne supportant pas qu'on puisse ne pas croire leur vérité.

Armand semblait dans cette situation, et cela étonna Zilmar que l'inquisiteur ne se rue pas sur le vampire pour le tuer.

D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, il se rappela qu'Armand n'avait pas pour habitude de discuter sur quoi que ce soit. Selon les rapports de ses hommes, il avait même plutôt tendance à tuer tout ce qui lui semblait hérétique sans la moindre forme de procès... Et pourtant il avait débattu avec un vampire à l'instant... Etrange...

Tandis que Zilmar pensait cela, Armand s'assit à côté de Zilmar en lui souriant... Vraiment étrange.

Zilmar reporta son attention sur Larmesang qui s'était tourné vers Eryndel, et qui était tout à fait calme. Ce calme venait sans doute de sa suffisance : il était persuadé d'avoir raison, et Armand n'était pour lui qu'un imbécile borné. Alors pourquoi s'énerver pour si peu ? Il se moquait éperdument d'être cru ou non par l'inquisiteur.

Cependant, Zilmar était prêt à parier ses deux jambes que si Eryndel n'avait pas été là, Larmesang se serait déjà débarassé d'Armand. En effet, celui-ci était génant en tant que chasseur de vampire, et il n'était désormais plus digne d'intérêt aux yeux de Larmesang. Par contre, Eryndel l'était, et il voulait continuer le débat avec elle, par jeu. Voilà pourquoi il ne fallait pas qu'il touche à Armand.

La jeune prêtresse savait se montrer convaincante. Une bonne partie des arguments qu'elle avançait avait fait mouche, et Guillaume, même si, par son estime de soi même, avait souvent l'habitude de croire qu'il avait raison, savait réfléchir quand on lui opposait quelques paroles pertinentes.

"Il est vrai, dit-il en se replaçant dans son fauteuils, que tous dépends de nos dogme qui sont, ma foi fort limité pour certaines choses. Noté que je n'ai jamais émis aucun jugement de valeur sur aucun des deux. je les considère tous deux comme autant digne de foi. Mais, tous comme vous, voilà longtemps que je suis élevé dans certaines croyance. On finit par y croire dur comme fer.

Aussi, je dois avouer que vos arguments me semblent très pertinents pour la plupart, si ce n'est une erreur d'interprétation. je n'ai pas dit que nous dispensions la justice divine, mais que, par une certaines mesure, nous l'apportions. Dieu juge les âmes, nous les lui apportons. Certes, vous pouvez vous dire que cela justifie alors tous les assassinats et autres. Ce à quoi je pourrais rétorquer que, comme je vous l'ai déjà dit, au même titre que vous êtes les enfants de dieu, et cela est indéniable, nous sommes pour notre part Ses prédateurs. Vous comprenez, nous avons tous leur utilité vis à vis des âmes.

Pour la complémentarité, je dirais que cela dépend de nos interprétations personnelles. vous êtes quelqu'un de très aimant, madame, c'est une grande qualité chez les humains, il me semble. Et pour ce qui est de votre ami inquisiteur, si je ne lui ait pas répondu, c'est que justement, mes arguments et les siens ne pouvait plus évoluer, il ne pouvait donc plus y avoir de réel débat. Je ne voyais donc as pourquoi lui répondre, puisqu'il disait et disait à nouveau les mêmes choses. Je n'y pouvait plus rien.

Enfin, j'aurais bien du mal à vous donner des exemples personnels du plaisir du vampirisme, et surtout de l'immortalité. C'est quelque chose que l'on ressent, pas que l'on explique. Les simples mots ne peuvent pas en exprimer le dixième... Il semble qu'il en soit de même pour la vie, non ? On ne devient pas vampire parce qu'on en a été convaincu, on le devient parce qu'on le ressent... Il n'y a pas de meilleur terme pour cela. On ressent ce qu'on doit être. Peut-être est-ce le Seigneur qui nous envoie ce message, qu'en sais-je... Il faudrait mieux que vous parliez à un de nos prêtres pour cela, je pense...

Et, je voulais tout de même préciser, je souhaite pas vous convaincre de nous rejoindre ou quoique ce soit. Vous êtes bien plus utile à l'humanité tel que vous êtes maintenant."

5 juin 1455, l'hôtel de monseigneur Lasteyrie.

Voilà qu'Armand se voyait affublé d'un sympathique '' il disait à nouveau les mêmes choses ''… Cette phrase remua profondément l'inquisiteur, lui qui avait fait bien des efforts depuis sa résurrection pour tenter de s'ouvrir aux autres se voyait remit à sa place d'inquisiteur sans plus de ménagement :

« Vous êtes bien plus utile à l'humanité tel que vous êtes maintenant. »

L'énonciation de ces mots sortit Armand de sa réflexion introspective et il réagit immédiatement en sortant son marteau de guerre de son dos. Zilmar se redressa immédiatement sur son fauteuil, prêt à se lever, Larmesang l'observait avec d'un air étrange... A la fois d'une relative tranquillité et pourtant prêt à réagir. Quant à Eryndel elle posa sa main sur l'épaule de l'inquisiteur et ressentit immédiatement l'intention du prêtre sans pour autant être capable de mettre des mots dessus et subitement ses yeux s'inondèrent de larmes qu'elle retint difficilement de s'écouler.

Armand posa son arme sur le sol et tendit sa main à Larmesang :

« Mes mots trop maladroits n'ont pas suffit... pardonnez mon manque d'éloquence, mais je ne suis hélas pas aussi rompu que vous à cet art. Il ne me reste qu'un don pour vous convaincre et si cela ne fonctionne pas, alors... J'aurai échoué dans la tâche qui m'aura été confié par Dieu, celui d'être son messager. »

C'était donc pour cette raison qu'Armand avait tant changé, pour cette raison qu'il avait prit la peine de débattre avec Guillaume au lieu de le marteler au nom de Dieu. Lors de sa résurrection, l'inquisiteur avait reçut la mission de devenir son messager et de contrôler sa colère, pour cela il s'était vu octroyer le don de compassion afin de ressentir des sentiments que son cœur avait depuis longtemps oublié :

« Ne craigniez rien Monseigneur ça ne vous fera aucun mal »

Larmesang regardait l'homme droit dans les yeux et il y vu une telle détermination dénuée de la moindre intention de nuire, qu'il tendit à son tour sa main. A peine les doigts se touchèrent-ils qu'une avalanche de sensations déferla.
Tout d'abord très brouillon, les images d'ordres sentimentales s'organisèrent peu à peu. Au début un sentiment de colère totale, de vengeance et de sentiment d'injustice empli les pensées des deux hommes. Dû à une enfance chaotique rendu insupportable par l'agression d'un homme qui lui brûla la moitié du visage juste par amusement. Armand s'était laissé gagner par une rage grondante et ce ne fut que ce sentiment unique qui dicta ses choix dans sa vie. Ce qui ne surprenait par Larmesang, au contraire il s'en doutait, il le savait.

Puis la présence d'Eryndel vint troubler cette rage, le doute s'installa, la voix rassurante restait incompréhensible, mais raisonnait en une sorte de bruit de fond apaisant propice à la détente. Puis subitement plus rien, le vide absolu... Armand était mort. Et vint enfin le jour de la résurrection, une sorte d'arc en ciel sentimental se répandit entre le prêtre et le vampire: la découverte, l'amusement, le plaisir, la chaleur de se sentir aimé, écouté, qu'une personne s'inquiétait pour lui, qu'elle aimait ce qu'il était devenu, la joie d'avoir sauvé la goule dans les égout au lieu de l'avoir tué, de lui avoir rendu sa mortalité, son humanité, la peur de perdre un être cher, le bonheur d'être encore aujourd'hui à ses côtés unis dans un même but.

Et enfin la déception, la tristesse de ne pas avoir réussit à atteindre Larmesang, l'échec de son rôle de messager de Dieu, il le réalisait à présent. Armand sentait sa gorge se nouer, il ouvrit les yeux et quitta la pièce sans attendre la moindre réaction de la part du vampire qui avait partager cet instant de partage. Armand sortit et referma la porte derrière lui. Il relâcha la pression et pleura, il avait horreur de cela enfin c'était ce qu'il avait toujours cru. En réalité ça le soulageait, il resta derrière la porte, il n'allait pas laisser Eryndel seule avec le vampire, mais il n'entrerait pas non plus.

Armand était aller pleurer dans le couloir, et Eryndel s'était mise à genou devant Larmesang. Tous ces évènements dépassaient Zilmar, qui ne savait ni quoi en penser, ni comment y réagir. Dans le doute, il préféra continuer à ne rien dire, à ne rien faire, juste à écouter.

Cependant, l'issue semblait proche, et Zilmar savait qu'elle ne pourrait pas être bonne pour tout le monde. Alors il essaya d'échaffauder un plan, au cas où les choses tourneraient mal d'une manière ou d'une autre.

Il imagina plusieurs hypothèses. La plus probable était qu'en cas de combat, Larmesang, dont les pouvoirs lui avait paru inimaginables, tuerait les deux prêtres facilement, l'une n'étant pas guerrière, et l'autre n'étant pas vraiment en état. Dans ce cas, Zilmar avait sa petite idée...

Les autres hypothèses lui semblait impossibles : qu'un des deux parvienne au final à convaincre l'autre était peu probable, et que Larmesang les laissent repartir gentiment encore moins.

Quoi qu'il en soit, Zilmar décida d'attendre pour être fixé.

Tout d'abord le jeune homme se leva, l'arme à la main, l'air assez belliqueux. Guillaume ne bougea pas un doigt, sans cesser de le regarder, amusé par sa tentative désespéré de l'attaquer. Puis, contrairement à ce à quoi il s'attendait, l'homme se rassit, marmonnant quelques excuse. Puis il lui tendit la main...

Guillaume fut tout d'abord intrigué. Il hésita quelques instant, puis finalement la pris... Ce fut alors un déluge de pensée qui l'assaillit. Cela faisait longtemps qu'il ne les avait pas ressenti. Il en resta abasourdi, et quelque peu sonné. Colère, haine, amour, joie, tristesse... Tellement, tellement longtemps qu'il n'avait ressenti cela. Tout d'un coup, cela était trop. Heureusement que son esprit n'était pas humain, car il aurait cédé sous le choc. Il parvint tout de même à remettre de l'ordre dans ses pensés, une fois le contact fini, mais son visage afficha quelques secondes un air ahuri.

Pendant ce temps, l'ex-inquisiteur en profita pour sortir, et la guérisseuse entama un long discours que le duc écouta à moitié. Il était encore trop sonné... Finalement, après avoir laissé le silence courir quelques instant, il se tourna vers Eryndel et dit :

"Et bien, j'avais entendu parler de vos pouvoir, mais à ce point là... Je me flatterais d'avoir une alliée tel que vous. D'autant que je suis sûr que nous pourrions apprendre beaucoup ensemble...

Pour ce qui est des quelques termes que j'ai saisi de votre discours, nous faisons ce qu'il faut, selon nous, pour mériter Son amour et Son pardon, puisque nous accomplissons Sa volonté et le destin qu'Il nous a fixé. Et pour ce qui est de vous, rien que le fait, au vue de ce que vous m'avez dit, que vous n'ayez pas tenté de me tuer de suite prouve votre amour envers votre prochain. Très peu aurait eu cette patience.

Sinon, pour ce qui est de vos questions, la réponse ne vas pas vous satisfaire, car je vais vous retourner une question finalement semblable : à quoi serve les renard pour les poules ? Ou les loups pour les moutons ? S'il y a une réponse à cette question, c'est celle à la votre. Mais je doute qu'il y en ait. Le monde est ainsi fait, qu'y pouvons ?

Mais sinon, voilà ce que je vous propose : soyez mes alliés, et je serais le votre. Je vous aiderais dans ce mystère des goules tandis que vous m'aiderais vous même par vos capacités. Peut-être parviendrais vous finalement à me convaincre, ou peut-être que ce sera l'inverse. Je ne pense que cela soit négatif pour l'un de nous..."