5 août 1455, de retour du Vatican
Le soir tombait. Le père Thomas, rêveur, contemplait le ciel teinté d'orangé tout en songeant à ces étranges aventuriers au service de Dieu qui avaient si longtemps trouvé abri dans sa chapelle. Ils devaient avoir fait leur rapport au Saint-Père, à l'heure qu'il était... Les reverrait-il ? Aussi étrange que cela pût paraître au vu de leur conception bizarre de Dieu - surtout en ce qui concernait la guérisseuse, d'ailleurs, elle dont la foi était à la limite de l'hérésie -, il s'était habitué à leur présence et la pensée qu'il ne les reverrait sans doute jamais l'emplissait d'une mélancolie peu en accord avec la paisible saison estivale. Il ignorait si les goules sévissaient toujours sous la capitale, mais en tout cas, sa chapelle n'avait plus été attaquée par une de ces créatures. Etait-ce l'oeuvre d'une des étranges et puissantes connaissances de Frère Armand et soeur Eryndel ?
Le père Thomas haussa les épaules. Qu'importait, du moment qu'il pouvait se consacrer à Dieu et à ses ouailles sans être menacé par un quelconque danger ? Il était temps d'oublier tout cela... Lentement, tournant à regret le dos au crépuscule, il retourna à pas lent vers le lieu qui était sa demeure aussi bien que celle de Dieu.
Quand il parvint à la porte, il s'arrêta net : là, recueilies devant l'autel, deux silhouettes familières étaient agenouillées. Au bruit qu'il fit en fermant la porte des lieux, ses visiteurs se retournèrent, et il reconnut effectivement le regard brillant et les cheveux ébène de la guérisseuse, le visage angélique et les cheveux blonds de l'ancien Inquisiteur.
- Vous revoilà, mes enfants... Mais vous n'allez pas rester, n'est-ce pas ?
Sans doute allaient-ils repartir combattre les forces du Démon... Eryndel acquiesça en réponse à sa question.
- Nous ne sommes que de passage, en effet, mon Père. Nous voulions vous remercier de nous avoir hébergés.
- En tant qu'homme de Dieu, c'est mon devoir d'aider mon prochain, rétorqua humblement le prêtre. Je n'ai aucun mérite. Mais, dites-moi, ma fille, où irez-vous à présent ?
Eryndel hésita, échangea un regard avec Armand, qui lui adressa un signe d'encouragement.
- Nous comptons nous retirer dans les environs de Paris. Quelque part dans la campagne alentour, se trouve un ancien corps de ferme. Nous allons en faire un lieu de recueillement et de guérison, un hospital où tout blessé, tout malade pourra requérir et trouver assistance, secours et soin physique et spirituel.
- Ah... C'est un but louable, mes enfants, que vous vous êtes fixés. Bien plus louable que votre combat chimérique.
- A ce propos, les Inquisiteurs de Calixte sont-ils déjà en ville ? intervint Armand.
- Je n'en ai pas entendu parler, mon fils. À mon avis, ils ne viendront pas si vite, mais qu'importe ? Ce n'est pas à nous humbles prêtres, de nous en occuper. Laissons-les se débrouiller, et ne leur refusons pas notre aide s'ils ont besoin d'information ou de soin. Là est la véritable voie de Dieu : répandre le Bien, et non la mort..."
Quand l'ancien Inquisiteur et la guérisseuse partirent en direction d'une des portes de la capitale, ils avaient le coeur léger. Souriant à la nuit sereine, ils ne songeaient plus qu'à leur avenir de paix, loin de tout conflit, quel qu'il soit. Eryndel sentait la paix baigner son âme d'une douce lumière, chose qui ne lui était plus arrivée depuis la découverte de la mort terrible de ses parents, un jour, au retour à la ferme... Ferme qu'elle s'apprêtait à regagner pour toujours afin d'en faire un lieu de vie, de guérison, et elle n'était pas seule. Frère Armand, définitivement tranfiguré, l'accompagnait, et le Père Thomas avait promis de leur envoyer des âmes charitables pour les aider dans leur pieuse tâche. Oui, tout s'annonçait sous un jour nouveau.
Direction : Les environs de Paris, l'hospital de Notre Dame