[Paris] une chapelle dédiée à la Vierge

Pour Eryndel, tout s'éclaircit :
"Il veut nous guider, murmura-t-elle. Nous donner une piste pour le retrouver. Je suis sûre qu'il se doutait que nous ouvririons le coffre."

Et, pour dissiper ces dernier doutes, elle ajouta :
"Ce Zilmar va souvent en un lieu appelé le Temple, non ?"

Le prêtre eut un regard éffaré et se signa.

"Mon Dieu oui, mais c'est l'antre du vice ! Il gagne des fortunes avec ses prostituées là-bas, presque tous les bourgeois de Paris y vont. Et on raconte que Zilmar y va une fois par semaine pour y pratiquer la sodomie !"

Il se signa à nouveau.

"Quelle horreur... Le reste du temps, cet enfant du vice hante les rues de Paris, à la recherche de pauvres gens à dépouiller..."

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

« Cet homme est une plaie pour la société et une honte aux yeux de l'Eglise toute entière. Si on peut encore le définir en tant qu'homme, commenta l'inquisiteur écœurait par les informations qu'avait livré le prêtre.
Nous devons arrêter ce monstre et lui faire payer ses pêchés devant la justice de Dieu. Ma mission ici est de mettre un terme aux activités d'hérétiques tels que lui et je vous promet mon père, de ne m'autoriser aucun répit tant que cet animal continuera à verser son venin dans les rues de notre capitale.

Il ne faudra pas tarder à trouver votre mercenaire. Je crois qu'une paire de bras en plus ne sera pas malvenue pour nous aider à accomplir notre devoir, lança-t-il à destination de la Soeur et du Frère. »

Armand ignorait que Zilmar et le mercenaire en question n'était qu'une seule et même personne. La situation commençait déjà à s'envenimer pour Eryndel et Turmac, comment réagirait l'inquisiteur s'il venait à découvrir la vérité ?

Le prêtre fit une moue résigné.

"Nul ne peut chasser le mal de cette cité, j'en ai bien peur. Même si vous tuez cet homme, un autre le remplacera..."

Le prêtre releva la tête et plongea son regard dans celui d'Armand.

"Telle est la vérité. Le mal est bien trop ancré ici pour qu'on puisse éspérer l'en déloger..."

Il balaya la pièce d'un mouvement de bras.

"Et de toutes façons, je doute que l'Eglise envoie des personnes comme vous pour un mission de netoyage... J'imagine que vous cherchez un ou des démons, je me trompe ? Selon les rumeurs qui courent, ce doit être un vampire, voir quatre ou cinq... Alors, je me trompe ?"

Il les regarda à tour de rôle, attendant une réponse.

"Ah, et pour votre Mercenaire, il y a tout à parier que c'est un truand, sinon il ne connaitrait pas suffisament bien les Bas-Fonds pour vous aider dans votre chasse aux vampires. Qu'en pensez-vous ? N'est-ce pas un pacte avec une plaie de la société ?"

Eryndel se sentait vraiment mal à l'aise. Dans quoi s'était-elle donc embarquée ? Elle aurait voulu pouvoir rencontrer ce Zilmar - puisque tel était son nom - pour l'avertir d'être prudent quand elle arriverait avec l'inquisiteur, et de ne pas se faire reconnaître... Mais ne sachant pas où se trouvait sa cache, cela lui parassait difficile.
Un brigand... C'est bien ce qu'avait dit le prêtre... Une créature du mal... et, ce que les autres ignoraient, un vampire... Mais qu'est-ce qui la poussait à tenter de s'allier à lui ?

Malgré tout, elle s'accrochait à l'idée qu'il n'était peut-être pas si mauvais... Encore de l'idéalisme puéril ? peut-être... Mais alors qu'est-ce qui avait empêché le vampire de les tuer, elle et Frère Turmac, quand ils avaient parlé en privé ? Après tout, de par sa nature, il était beaucoup plus puissant qu'eux deux réunis...

Quoiqu'il en soit,il fallait qu'elle trouve une solution, et vite, au problème de taille qui s'était posé à elle sous l'enveloppe d'Armand.
En attendant, elle répondit par un silence embarrassé. Son but ? Laisser croire àl'inquisiteur qu'il avait gagné la partie pour mieux le destabiliser ensuite.

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

Le prêtre ne comprenait-il pas l'importance qu'avait le moral dans cette aventure ?

« Mon père quels sont ces paroles que vous tenez là ? Je n'arrive pas à croire qu'un homme d'église tel que vous ne s'en remette pas à Dieu et distille un discours démoralisant dans nos coeurs ! Avez-vous donc perdu tout espoir ? Je vais vous dire comment je vois les choses et comment n'importe qui ici devraient les voir ! Armand commençait à élever le ton, emporté par son discours.
Nous devons pourchasser cet hérétique qui corrompt les âmes des enfants de Dieu... Armand laissa un temps pour voir s'il avait assentiment de son petit auditoire.

Mais ne percevez vous donc pas la gravité de la situation ?! Si nous frappons fort les autres fils de Satan réfléchiront à deux fois avant de prendre la place de ce vampire, surtout si la présence d'un inquisiteur leur parvient jusqu'aux oreilles !
J'ai bien l'intention de tout mettre en oeuvre pour chasser l'hérésie de cette ville et ce n'est pas votre lâcheté et votre manque de foi en notre Seigneur qui m'en dissuadera ! Cria-t-il en direction du prêtre de la chapelle.

Quand à vous Soeur Eryndel, si je constate que le mercenaire à laquelle vous avait fait appel est pire que la proie que nous chassons et que je juge que son aide n'est pas nécessaire à la réussite de notre objectif, nous aurons une vive discussion. »

La situation devenait réellement critique, si Eryndel ne parvenait pas à prévenir Zilmar de cacher sa nature à l'inquisiteur, ils devraient envisager de trouver un moyen d'écarter l'inquisiteur de leur mission initiale : trouver le vampire qui avait massacrer la famille d'Eryndel.

"Je ne perd pas la foi, je constate simplement." annonça le père Thomas.

"Mais libre à vous de mettre en exécution votre plan, car quoi qu'il en soit c'est idée intéressante."

Un bruit se fit entendre. Comme si quelqu'un frappait à la porte.

"Ah, ce doit être pour me voir."

Il sortit de la salle. Quelques murmures se firent entendre, puis le prêtre revint. Il semblait mal à l'aise. Il s'avança vers Eryndel et brandit un morceau de papier sous ses yeux, durant un bref instant seulement, et tout en jetant des coups d'oeil inquiet à Armand. Il brûla ensuite le papier.

Le mot, très court, contenait ces quelques mots, que seule Eryndel put lire : "D'accord pour une alliance, rendez-vous au Temple ce soir à huit heure, sans l'inquisiteur."

Le cerveau d'Eryndel tournait à toute vitesse.
"Mon dieu, la pauvre femme !"
Se tournant vers les hommes en présence, elle ajouta, avec un ton si sincère qu'on n'aurait jamais pu croire qu'elle mentait :
"Ce papier... Une femme si malade que... je n'ose vous dire... Quoiqu'il en soit, je dois la visiter ce soir, à huit heures. Ses symptômes se déclencheraient donc à heure fixe, mon père ? ajouta-t-elle, fronçant le sourcil comme si elle était intriguée.

- Ou..oui, c'est bien cela, soeur Eryndel, répondit-il, jouant de son mieux le rôle que la prêtresse venait de lui assigner de force.

- Soit. C'est grave, alors. J'irais... et j'irai seule, ajouta-t-elle avec fermeté. Le chevet d'une malade n'est pas la place d'un inquisiteur, ni celle - pardon, frère Turmac - d'un moine combattant. Pendant ce temps, vous continuerez à chercher des indices sur le vampire que je cherche. Frère Turmac, vous mettrez l'inquisiteur Armand au courant des détails s'il le faut, d'accord ?"

Elle leur adressa un sourire éclatant, puis ajouta :
"Nous nous retrouverons ici à 9h30. Cela vous convient-il, mes frères ?"

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

Armand n'aimait pas trop ce qui venait de ce passer, un message que l'on s'empresse de brûler sous ses yeux et manifestement Eryndel mentait. Ce qui intrigua réellement l'inquisiteur c'était qu'elle écarta également Turmac, si elle ne l'avait pas fait il aurait protesté.

Elle avait quelque chose à faire toute seule et Armand y voyait là l'occasion d'une part de se faire un peu plus facilement accepter dans le groupe. S'il lui faisait confiance en la laissant partir elle se rendrait compte qu'au fond Armand pouvait être compréhensif. Après tout Turmac et Eryndel étaient ses alliées pas ses ennemis.

Et d'une autre part s'il la laissé faire elle recommencerait peut être et là il la suivrait. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu'il comptait sur le fait que la Soeur serait de plus en plus à l'aise avec lui et qu'elle finirait par baisser sa garde. Armand pourrait alors voir si la foi de la Soeur Eryndel était effective.

Même si ça décision ne l'enthousiasmait pas et qu'il préférait suivre discrètement la Soeur, il accepta. De toute manière il doutait que le moine guerrier le laisserai filer la Soeur guérisseuse sans discuter. Etait-elle en train de manipuler ses amis au point d'avoir fait exprès d'exclure Turmac de son secret pour surveiller l'inquisiteur ?

« Allez-y Soeur Eryndel ! Après tout nous sommes du même côté et je n'ai aucune raison de me méfier de vous n'est-ce pas ? Il laissa un temps pour voir si le regard de la femme trahirait ses réelles attentions, mais elle hocha de la tête pour conforter l'inquisiteur dans ses dires.
A 9H30 ma Soeur et ne soyez surtout pas en retard si vous ne voulez pas que je remue ciel et terre pour découvrir les raisons de votre retard. »

"Je vous le promets, frère. Je seraide retourà9h30. Si vous ne me voyez pas revenir, c'est que j'aurai rencontré une autre goule,"plaisanta-t-elle un peu maladroitement.

Elle n'avait menti qu'à moitié. Elle comptait réellement visiter une malade,mais cela ne lui prendrait pas beaucoup de temps, et la maison de cette femme se trouvait sur le chemin du Temple.

Elle rassembla ses affaires en silence, en laissa certaines à la garde de ses compagnons. Puis, rabattant le capuchon de sa robe de bure, munie de son bâton, elle sortit après leur avoir adressé un dernier salut.

Sortie en direction du Temple

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

Il était 9H et Armand ne tenait déjà plus en place :

« Mais que fait-elle ? Elle a eu toute la journée pour aller voir cette patiente... De quoi peut-elle bien souffrir pour que cela prenne autant de temps ? Armand tournait en rond dans la chapelle et ne prêtait pas attention au prêtre qui lui disait de se calmer.
- Je vous en prit Inquisiteur Armand, je suis sûr que tout va bien et qu'elle sera là d'ici peu...
- Qu'en savez vous ? Ah mais oui, j'allais oublié ce fameux bout de papier qu'elle s'est empressée de brûler sous mes yeux... Je ne répéterai pas ma question mon père, que comportait ce message ? Armand s'était rapproché du père Thomas et sa stature menaçante avait de quoi déstabiliser n'importe qui.
- Euh... Je... Euh je vous l'ai dit, une patiente malade, elle va reven...
- Dîtes moi la vérité MON PERE ! Savez-vous ce que vous risquez en mentant à un Inquisiteur ?! Armand s'emportait et les menaces devenaient très inquiétantes pour le pauvre homme d'église
- Euh... Oui... Je crois savoir quels sont les risques... Et bien elle devait... Enfin elle est partie voir...
- AAAAH ! Un hurlement féminin interrompit la dispute, sauvant le prêtre de l'interrogatoire d'Armand. »

Armand prit son marteau et son bouclier en main. Il sortit en trombe de la chapelle persuadé qu'Eryndel était en danger. Lorsqu'il sortit il se retrouva face à une étrange silhouette famélique au crâne chauve :

« Qui êtes-vous ? Est-ce vous qui avez hurlé, demanda l'inquisiteur nerveux qui resserra son emprise sur le manche de son arme. »

La seule réponse qu'il eut fut un deuxième hurlement suraigüe, la femme se précipita vers lui les bras levés. Une goule enragée, les mains fourchues tendues dans sa direction chargée l'inquisiteur seul hors de l'église.

Le mort-vivant sauta sur le guerrier qui chuta au sol perdant son marteau lorsqu'il heurta les pavés. De la main droite il parvint à saisir la gorge de la monstrueuse femme aux dents pointues, tandis que de la gauche encore équipée, il frappa de toutes ses forces le visage effrayant de son agresseur, avec le bouclier. Malheureusement la créature emportée dans sa rage ne relâchait pas ses efforts et l'inquisiteur se fatiguait. Alors que la bave coulait sur le cou de l'homme et que la mâchoire se rapprochait dangereusement tout s'arrêta. Eryndel avait enfoncé l'extrémité de son bâton dans le coup de la femme hurlante.

Armand se releva et essuya son visage salit par les crachats de la goule et soupira un vague « merci » à peine audible. L'inquisiteur avait horreur d'avoir le sentiment d'être redevable envers quelqu'un, ce qui était en contre partie un avantage pour la Sœur guérisseuse, peut-être Armand se montrerait moins soupçonneux la cernant... Peut-être.

Le 31 mai 1455. En provenance de La Planque de Zilmar

"Tout va bien ?" demanda Eryndel à l'Inquisiteur, réellement inquiète.
C'était la deuxième fois qu'une goule se manifestait, attaquant un membre de son entourage. D'abord Turmac, qui avait manifestement été paralysé par cette nouvelle apparition, et à présent, Armand...
Pourquoi ces créatures perdues s'attaquaient-elles à eux ? Mais peut-être n'était-ce qu'un hasard... ?
Sûrement, même.
La nature confiante et idéaliste d'Eryndel reprenait le dessus. Ce groupe ne pouvait pas être visé en particulier. C'était le fruit du hasard, rien de plus, que ces deux rencontres fortuites.

"Bon, dit-elle,l'air sérieux. En tout cas, en attendant de trouver le vampire à abattre, nous pouvons toujours nous occuper des goules. Je suis certaine que ce n'était pas la seule. Nous en avons rencontré une dans les égouts, puis celle-là nous attaque. D'où viennent-elle au juste ? Ce n'est pas normal."
Elle tendit un mouchoir à Armand pour qu'il s'essuie le visage, et poursuivit :
" Nous devrions peut-être refaire un tour dans les égouts ? Nous avons encore du temps devant nous, après tout. "

Enfin, se tournant vers le prêtre de la chapelle, elle demanda :
"Dites-moi, mon père, est-ce la première fois qu'une goule vient ici ?"

En elle-même, elle s'interrogeait sur une autre possibilité que le hasard ou l'attaque consciente envers leur groupe : la créature, souffrante, cherchait peut-être à échapper à sa condition ? Une attaque... pour se donner la mort ? Mais les goules n'étaient pas sensées chercher si loin, et vivre selon leurs instincts. Cependant, Eryndel aurait adoré que cette possibilité fût la bonne, car alors cela justifieraient ses recherches d'un remède au vampirisme - les goules étant après tout des vampires ratés, en quelque sorte...

"Ici ?"
Le prêtre paraissait interloqué.
"Voyons, bien sûr que non ! Et si cela arrivait à nouveau pendant votre absence, je ne pourrai rien faire du tout... A part peut-être me barricader..."

Il fit un geste avec ses bras, mélange d'impuissance et de désarroi.

La guérisseuse acquiesça.
"Ce serait préférable, en effet. La nuit, barricadez-vous. Le jour, vous ne risquez rien... Voilà ce que je propose : pendant que nous enquêtons à l'extérieur, la nuit, vous n'ouvrez à personne, même si on prétend qu'il s'agit de nous, d'accord ?
En ce qui nous concerne, nous ne rentrons à la chapelle qu'au lever du soleil, pas avant. Si l'un de nous trois au moins reste sur place pendant la nuit, en revanche, vous n'aurez pas besoin de prendre autant de précaution, mais uniquement dans ce cas-là.
Cela vous rassure-t-il, mon père ?"

"Oui merci, ce sera très bien ainsi. Cela étant, je m'excuse mais j'ai sommeil, je vais aller me coucher. Si vous voulez rester dormir, vous pouvez, mais dans le cas contraire, prévenez moi quand vous partirez, même si je dors."

Le prêtre s'inclina et partit en direction de sa loge.

Eryndel allait s'installer dans un coin pour dormir, quand elle se rappela qu'il manquait certaines plantes à sa besace de guérisseuse.
Avec un léger soupir, elle se releva donc.

"Je reviens, dit-elle aux autres. Prévenez le prêtre de ma part. J'ai quelques emplettes à faire."

Sans s'inquiéter de ce que pourrait imaginer l'inquisiteur Armand (qu'il croie ce qu'il veut, qu'il l'espionne s'il le désire, elle n'avait rien à cacher), elle se dirigea vers la sortie.

Direction : marché couvert

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

Mais que lui arrivait-il ? Avait-elle perdu l'esprit ? On venait d'avoir la preuve que les rues n'étaient pas sûre et elle sortait en pleine nuit, seule, et en ne donnant qu'une vague raison sur son départ.

Juste avant que la sœur ne franchisse la porte en bois de la chapelle Armand tenta de l'arrêter :

« Ma Sœur attendez moi, vous ne devriez pas... Et la porte se referma sans qu'elle ne prenne la peine de se retourner. »

Mais que lui arrive-t-il ? Pensa Armand, alarmé par ce nouveau comportant peu prudent et le danger qui guettait la Sœur qui venait de lui sauver la vie :

« Frère Turmac, prévenez le prêtre que nous sommes sortis. Je vais tenter de rattraper Sœur Eryndel. »

Armand prit ses armes et sortit en courant, laissant Turmac et le prêtre ensemble dans la chapelle. On put encore entendre l'inquisiteur crier à Eryndel de l'attendre.

Direction : Marché couvert.

31 mai 1455, en provenance du marché couvert

Quand Eryndel revint dans la chapelle, c'est à peine si Armand lui jeta un regard. Les autres dormaient.
Néanmoins, la jeune femme ne se démonta pas. Après s'être agenouillée devant la statue de la vierge pour allumer un cierge et prier quelque temps, elle se eleva et se dirigea vers l'inquisiteur d'un pas décidé que démentait son regard inquiet.

"Frère Armand, commença-t-elle, ne m'en veuillez pas pour mon attitude de tout à l'heure, au marché."

Pas de réponse.

"J'avais mes raisons. Vous ne pouvez comprendre. Et avouez que me demander de dévoiler toute l'affaire devant la foule n'était point très sensé. Mais je comprends que vous soyez curieux d'en savoir plus, malgré l'adage populaire disant que la curiosité est un vilain défaut. Je vous ait donc la promesse de vous révéler tout ce que vous voulez sur cette aventure, mais seulement quand j'aurai reçu d'un certain mercenaire les renseignements que je cherche."

Elle baissa le regard, songeuse, puis fixa de nouveau l'homme impassible.

"Ne m'en veuillez pas pour ce délai. Vous en comprendrez bien assez tôt la raison."

31 mai 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

« Ce que je comprend surtout c'est que vous me jugez incapable de peser le pour et le contre d'une situation. Répondit amèrement Armand. »

L'inquisiteur alla pour se coucher et avant de quitter Eryndel il ne put s'empêcher de lui demander :

« Alors, vous n'avez pas trouvé vos armes bénies ? »

Puis il s'allongea sur le lit sans laisser la jeune femme le temps de lui répondre quoi que ce soit, jugeant qu'au fond ça n'en valait même pas la peine. Armand lui en voulait profondément de ce manque de confiance et redoutait de plus en plus les révélations qu'allait lui faire la Soeur. Il n'était pas venu ici pour s'en prendre aux personnes qui étaient supposés l'aider.

Et après tout pourquoi avait-il besoin d'aide... C'était eux qui avait besoin de son aide en vérité. Il était persuadé d'avoir sauvé la guérisseuse au marché et à aucun moment elle n'avait pris la peine de le remercier.

Quand l'inquisiteur lui demanda si elle avait trouvé ses armes bénies, Eryndel manqua éclater de rire, mais elle sut se retenir.
Elle comprit que frère Armand était vexé, et elle décida de ne pas se moquer de lui quand il voulait l'aider, la prochaine fois. Après tout, c'était un allié, pas un ennemi. Même si elle redoutait l'explosion de rage et d'indignation qui se produirait inévitablement quand il apprendrait qu'elle s'alliait à un vampire pour en abattre un autre... et que sa motivation n'était hélas pas l'élimination d'une créature du diable pour la gloire de Dieu, mais la vengeance pure et simple.

A son tour, elle s'allongea, mais elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. En désespoir de cause, elle retourna prier. C'est ainsi qu'elle finit par s'endormir, les mains jointes sur le prie-dieu, la tête posée sur ses mains.

Elle fit alors un rêve saisissant de réalité...

Elle était dans les égouts, sans armes, en train d'errer sans pouvoir se rappeler pourquoi elle se trouvait là. Elle parvint soudain à un vaste carrefour, où elle découvrit un rassemblement nombreux. Elle s'approcha, intriguée, pour s'apercevoir avec horreur que les gens rassemblés là en silence étaient tous de la même espèce maudite : il s'agissait de goules. Un instant, elle pensa s'enfuir, mais ils ne l'avaient pas repérée ; elle était invisible à leurs yeux, semblaient-il. Tous les regards convergeaient vers le centre. Elle se dirigea donc de ce côté, et sursauta : là, au coeur du rassemblement,se trouvait le vampire qu'elle cherchait à abattre. Un flot de haine la submergea. Une épée venue de nulle part à la main, elle se jeta sur lui... la lame passa au travers sans faire de dégâts. Le buveur de sang se retourna et la fixa d'un air narquois, puis se mit à rire. Lâchant l'arme inutile, elle se boucha les oreilles, mais le rire résonnait toujours en elle, de plus en plus fort, de plus en plus insupportable. Elle sentit son crâne se fêler, des lambeaux de chair se détachèrent de son corps, puis elle eut le sentiment de tomber en morceau.

Affolée, elle se réveilla avec un cri de terreur. Le coeur battant, la jeune femme ne put s'empêcher de vérifier qu'elle était entière. Geste stupide, certes, mais ce rêves lui avait donné une telle impression de réel... La nausée la gagna. Elle inspira profondément pour se calmer. Allons, elle n'allait pas se laisser impressionner par un simple cauchemar, tout de même ?

Elle espérait que Turmac, le prêtre et Armand n'avaient rien entendu. Quoi qu'il en soit, il fallait qu'elle se débarasse de cette haine qui la rongeait si cruellement. Elle ne pouvait continuer à se laisser envahir par un sentiment qui mettait en jeu le repos de son âme.
Elle décida donc de voir ce rêve comme un avertissement : elle ne devait pas se focaliser uniquement sur sa vengeance.
Par acquis de conscience, néanmoins, elle résolut qu'au réveil de ses compagnons, ils iraient explorer un peu les égouts, au cas où d'autres goules s'y trouveraient effectivement. Sait-on jamais, avec les rêves... Ce ne serait pas la première fois qu'une part de vérité se montrerait dans ses cauchemars...

1er juin 1455, dans une chapelle dédiée à la vierge.

Et en plus il fallait qu'elle se mette à pousser des cris dans son sommeil. Armand avait horreur d'être réveillé de cette manière et sans se retourner pour voir se qui avait affolée Eryndel, il tenta de se rendormir, hélas sans succès. Au bout d'un quart d'heure il abandonna ses efforts pour retrouver le repos et se leva en grommelant son mécontentement. Son premier geste fut d'allé prononcer une prière incompréhensible devant la statue de la vierge, ensuite il retourna dans la pièce qui servait de chambre commune pour enfiler son armure... Évidement sans adresser un regard à la Soeur guérisseuse.

Voyant que l'inquisiteur avait été réveillé par ses cris, Eryndel décida de lui parler immédiatement de son projet et entra à son tour dans la chambre :
"Frère Armand, je dois vous parler. Maintenant."
Le grommellement qu'elle reçut en réponse faillit la faire changer d'avis. Mais si elle partait seule, il allait encore entrer dans une colère épouvantable et cela, elle ne le supportait pas. Elle poursuivit donc :
"Je pense qu'il faut descendre dans les égouts. J'y ai réfléchi et, puisque frère Turmac et moi y avons eu affaire à une goule, il se pourrait fort bien que d'autres errent dans les méandres fétides qui parcourent le sous-sol de Paris... En fait, j'en suis quasiment certaine. Alors, faisons fi de nos désaccords pour cette fois, si vous voulez bien ?"

Elle marqua un temps de réflexion, et ajouta, au cas où l'Inquisiteur refuserait :
"Ceci dit, je ne veut nullement vous y forcer. Si cela ne vous tente pas, je puis y aller seule... J'ai su vraincre une goule en deux occasions, pourquoi ne parviendrais-je pas à en affronter plusieurs ?"

En vérité, elle n'y croyait guère : une goule isolée, c'était jouable, mais deux ou trois goules regroupées... Comment faire ?
"Ah, et si vous venez... Prenez un tonnelet d'huile avec vous... et une torche. Je vais en faire autant."

Elle sourit rêveusement. Oui, ça pouvait marcher...
"Alors, daignerez-vous m'accorder votre aide, Frère Inquisiteur, dans cette lutte contre les créatures du diable ?"

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